Vers un droit de vote inaliénable pour toutes les personnes sous tutelle : un changement de paradigme (2)

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Les personnes malades

Date de rédaction :
30 septembre 2020

Le rapport de la mission interministérielle sur l’évolution de la protection juridique des personnes, remis le 21 septembre 2018 à Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la Justice et Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, cite les résultats de deux enquêtes de la Fondation Médéric Alzheimer. Dans la première, menée auprès de 182 juges des tutelles, 48% d’entre eux déclarent que le certificat médical circonstancié préconisait souvent le retrait du droit de vote sans expliquer pourquoi ou rarement. Et seul un tiers des juges (36 %) ont déclaré qu’il leur arrivait parfois de maintenir le droit de vote lorsque le certificat médical circonstancié préconisait son retrait. Dans la seconde enquête, réalisée auprès de 546 délégués mandataires, ces derniers ont déclaré en moyenne que seules 14 % des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer en tutelle, parmi les mesures qu’ils exercent, conservaient leur droit de vote. 91% des juges indiquaient ne pas prendre de dispositions particulières pour assurer l’effectivité de ce droit quand il était conservé. Le magistrat Thierry Verheyde rappelait dans l’enquête le fait que certaines personnes âgées se sentent « parfois plus atteintes par la suppression de ce droit que par la mesure elle-même ». Selon lui, toute personne en mesure d’exprimer son souhait de pouvoir continuer à voter devrait conserver ce droit, quelle que soit l’importance de ses troubles cognitifs. Le magistrat dénonçait « la trop grande facilité » avec laquelle les médecins habilités à établir les certificats médicaux préconisent au juge de ne pas entendre la personne concernée : « le critère légal permettant au juge de ne pas entendre le majeur à protéger lorsque celui-ci est “hors d’état de manifester sa volonté” » se transforme trop souvent en audition qualifiée d’”inutile” ou de “non contributive”. Il est essentiel que les juges soient particulièrement vigilants sur ce point, pour ne pas bafouer le droit fondamental de la personne d’être entendue (et vue au moins une fois) par le juge qui va lui retirer sa capacité à gérer elle-même ses affaires. » Environ 260 000 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée feraient aujourd’hui l’objet d’une mesure de protection judiciaire, très majoritairement une tutelle.

Caron-Déglise A (rapp.). Rapport de mission interministérielle. L’évolution de la protection

juridique des personnes. Reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables. Ministère de la Justice, 21 septembre 2018. www.justice.gouv.fr/art_pix/rapport_pjm_dacs_rapp.pdf (rapport, 112 p).

www.justice.gouv.fr/publication/rapport_pjm_dacs_annexes.pdf (annexes, 372 p).

Castel-Tallet MA, Coquelet A, Gzil F. Protection juridique des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Gérontologie et Société 2017 ; 154(39) : 77-91. Octobre 2017. www.statistiques-recherches.cnav.fr/gerontologie-et-societe-n-154-octobre-2017.html.

Fondation Médéric Alzheimer. Juges des tutelles et maladie d’Alzheimer. Lettre de l’Observatoire 2016 ; 45. Décembre 2016. https://www.fondation-mederic-alzheimer.org/file/337/download?token=nYtUsLPQ (texte intégral). Fondation Médéric Alzheimer. Protection juridique des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer : le rôle des délégués mandataires. Lettre de l’Observatoire 2014 ; 33-34. Octobre 2014. https://www.fondation-mederic-alzheimer.org/file/347/download?token=wLVt3DPx (texte intégral)