Une jeune fille de 90 ans, de Valeria Bruni-Tedeschi et Yann Coridian (2)
Société inclusive
« Dis, grand-père, avec qui elle danse, la vieille dame ? » : le journaliste Yves Durand est ainsi questionné par l’un de ses huit petits-enfants. Sur un blog de La Croix, il fait part de la façon dont il a changé de regard sur la maladie à en regardant ce documentaire : « l’idée que j’allais perdre mon temps ou seulement me faire du mal n’a fait que m’effleurer, dès les premières images elle a disparu grâce à l’héroïne du film et à son complice, le chorégraphe Thierry Thieû Niang. Blanche ne connaît plus son prénom, du moins ne lui revient-il que par intermittence. Elle ne sait plus son âge, quatre-vingt-douze ans, ni l’endroit où elle est née. Dans sa chambre ou dans le patio où les résidents se trouvent réunis, elle a l’air perdu, les joues creuses, les yeux dans le vague. Mais quand le chorégraphe paraît, se produit une sorte de petit miracle. Geste après geste, mot après mot, silence après silence, l’artiste apprivoise la vieille dame qu’on voit peu à peu se métamorphoser : elle abandonne sa canne, se laisser guider, enlacer, porter tel un enfant ou telle une jeune épousée. En une série de longs mouvements au ralenti, le couple ébauche une danse, sensuelle et respectueuse. Un sourire inonde le visage de Blanche et quel sourire : magnifique, rayonnant ! « Vous reviendrez souvent nous voir ? », s’inquiète-t-elle. Amoureuse de ce beau jeune homme, Blanche avoue l’être un peu. Les autres résidents, malgré les effets de la maladie, perçoivent ce lien unique qui se crée devant eux. Tantôt avec indulgence, tantôt avec un soupçon de jalousie. Thierry Thieû Niang, de son côté, fait preuve de douceur et d’attention. On le devine tout surpris, lui-même, de ce qui se passe et de cette relation qui mène à la confiance et à l’apaisement. L’expérience ne résout évidemment pas tous les problèmes liés à la maladie d’Alzheimer. Elle permet cependant de l’aborder avec un autre regard. Ces personnes très âgées et très perturbées restent capables d’émotions et d’amour. En ce sens, le documentaire s’adresse à des publics de tous les âges, enfants et ados compris. Les deux réalisateurs d’Une jeune fille de 90 ans signent là un bijou d’humanité. Un reportage conduit avec de la bienveillance et du respect. Et de l’optimisme en prime. »