Une ancienne ballerine atteinte de la maladie d’Alzheimer retrouve les gestes de la chorégraphie
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« L’image est poignante : une dame âgée, affaissée dans un fauteuil roulant, visage inexpressif. Face à elle, un homme lui tend un téléphone portable qui diffuse un extrait du ballet Le Lac des cygnes de Tchaïkovski. Soudain, son visage s’anime. Elle se redresse dans son fauteuil, dessine les courbes avec ses bras, retrouve les mouvements d’une chorégraphie qu’elle a interprétée sur scène il y a 50 ans. Son regard est habité de nouveau, elle a 20 ans, elle revit. “Il faut aller chercher mes pointes”, glisse-t-elle à la fin de la vidéo », écrit France Musique. L’ancienne ballerine Marta Gonzalez, atteinte de la maladie d’Alzheimer à un stade avancé, a été filmée en 2019, peu avant sa disparition, par l’association espagnole de musicothérapie Musica para despertar (« la musique pour se réveiller »). La vidéo, rapidement devenue virale, a été reprise par les médias du monde entier.
Sur France Musique, le Pr Hervé Platel, neuropsychologue de l’unité neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine (INSERM U1077) à l’Université de Caen, explique les mécanismes en jeu : quand on écoute de la musique, on fait fonctionner son cerveau de manière extrêmement large. L’information traitée par les régions auditives va être envoyée vers une multitude de régions du cerveau, par exemple les régions motrices : « en entendant de la musique, on a envie de bouger, de battre des mains, des pieds, surtout quand c’est un petit peu rythmé. Et puis, écouter de la musique, c’est essayer de comparer ce qu’on entend avec ce qu’on a déjà entendu. Ça fait fonctionner la mémoire et c’est d’autant plus vrai que si on a fait de la musique, on fait beaucoup appel à sa mémoire pour mémoriser de nouvelles pièces. Et puis, bien évidemment, la musique, notamment la musique familière, suscite de l’émotion, une émotion qui elle aussi est liée à la mémoire. » La mémoire musicale est relativement mieux préservée face à la dégénérescence provoquée par la maladie d’Alzheimer ; les patients réagissent positivement à l’écoute des morceaux qui leurs sont familiers. Il y a une grande résistance de la mémoire des chansons et des mélodies que les malades auraient appris quand ils étaient jeunes, explique Hervé Platel. Cette habileté est très prononcée chez les musiciens, chez qui les régions de la mémoire sont très sollicitées par le besoin constant d’apprendre de nouvelles œuvres (ou, dans le cas de Marta Gonzalez, maîtriser de nouvelles chorégraphies). En particulier, la mémoire associative, celle qui va permettre de se souvenir d’événements personnels mais en les reliant spatialement et temporellement, est très stimulée par la musique. La musique familière, qui culturellement a un lien fort avec l’histoire personnelle et agit sur les émotions, permet de sortir les patients de leur apathie. On ne reconstruit pas la mémoire chez ces patients mais on continue à stimuler la mémoire qui était encore présente.
Ariane Bavelier et Aurélia Vertaldi, du Figaro, rappellent plusieurs exemples de l’histoire de la danse où des chorégraphes ont fait appel à des danseurs très âgés, atteints de troubles cognitifs mais ayant gardé la mémoire du corps, pour reconstituer des chorégraphies perdues.
Musica para despertar, www.youtube.com/watch?v=WzABg24I8KY, 12 novembre 2020. www.lefigaro.fr/culture/bouleversante-une-ancienne-ballerine-victime-d-alzheimer-retrouve-les-pas-du-lac-des-cygnes-20201110, 10 novembre 2020.
www.francemusique.fr/savoirs-pratiques/marta-gonzalez-comment-la-musique-agit-sur-le-cerveau-alzheimer-89550, 13 novembre 2020.