Un psychologue à domicile ? Les freins culturels
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Dépression, avancée en âge des personnes atteintes de troubles mentaux, maladies neuro-dégénératives : les acteurs du domicile sont de plus en plus confrontés à ces situations. Mais y sont-ils préparés, et quels relais peuvent-ils trouver au sein de la filière de soins ? Sarah Roblet, du Journal du domicile, consacre un dossier à ce sujet. L’étude épidémiologique Esprit, en 2006, constatait que 17% des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans présentaient un trouble psychiatrique, 10% des idéations suicidaires, 3.1% une dépression majeure et 4.7% un trouble anxieux généralisé. Le sujet est-il mis de côté ? Pour le psychiatre Thierry Gallarda, responsable du centre d’évaluation des troubles psychiques et du vieillissement du centre hospitalier Sainte-Anne de Paris, « la France garde un rapport complexe avec la santé mentale. Des priorités sociétales sont faites en son sein, et dans la hiérarchie des préoccupations, le suicide des adolescents est placé plus haut que celui des personnes âgées. » De plus, la poly-pathologie complique le diagnostic et la mise en place d’une prise en charge adaptée. Tous les professionnels de la filière gériatrique n’y sont pas préparés. Ainsi, la formation des gestionnaires de cas MAIA (méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie), très orientée sur les maladies neuro-dégénératives, ne les rend pas armés face à la dépression ou au vieillissement des personnes handicapées. « Nous sommes assez dépourvus face à ces situations », explique Maud Levallois, pilote MAIA au Conseil départemental de l’Yonne. Un guide sur la « prise en compte de la souffrance psychique chez la personne âgée : prévention, repérage, accompagnement » a été publié par l’ANESM (Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux), mais il ne s’adresse pas spécifiquement aux acteurs du domicile. La Société française de gériatrie et de gérontologie, qui a conçu un kit MobiQual « dépression chez la personne âgée », dédié à l’intervention à domicile, dans le cadre d’une convention avec la CNAV (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), a été missionnée pour le diffuser, mais pas pour en assurer l’accompagnement, dans un secteur « moins stabilisé que les établissements. » L’accès à un réseau de santé mentale est une chance que n’ont pas tous les territoires. Dans les centres médico-psychologiques, qui assurent les soins de proximité, le Dr Gallarda constate cependant, depuis cinq à dix ans, « une réflexion plus active pour élargir les compétences et lever les a priori des professionnels sur les publics âgés. El il y a un consensus pour soutenir les personnes âgées à leur domicile. » Pour le psychiatre Alain Garnier, « intervenir à domicile est primordial, non seulement pour éviter des hospitalisations, mais aussi parce que, culturellement, “aller voir le médecin des fous” n’est pas évident pour les personnes âgées. »
Le Journal du domicile, mai 2016.