Un essai clinique sauvage, aux confins du charlatanisme et de la dérive sectaire

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Date de rédaction :
04 juin 2020

L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a interdit un essai clinique sauvage, mené illégalement avec des molécules aux effets inconnus, sur au moins 350 personnes atteintes de la maladie de Parkinson ou de la maladie d’Alzheimer. Réalisé en partie dans une abbaye près de Poitiers, cet essai était mené par une structure baptisée Fonds Josefa, dont le vice-président, le Pr Henri Joyeux, est très contesté par la communauté médicale, en raison de ses positions contre la vaccination obligatoire. Outre cette décision de police sanitaire, l’ANSM a saisi le pôle santé du parquet de Paris. Bernard Celli, directeur de l’inspection, déclare qu’il est très rare de découvrir un essai clinique sauvage de cette ampleur. « Il s’agit d’une atteinte grave au code de la santé publique et au code pénal, aux confins du charlatanisme. La confiance de ces patients a été abusée. » Procéder à un essai clinique sans autorisation est passible de 15 000 euros d’amende et d’un an de prison, sans compter les éventuelles peines prévues par le code pénal. L’expérimentation consistait à appliquer aux patients des patchs contenant deux molécules, la valentonine et le 6-méthoxy-harmalan, dans l’espoir de traiter plusieurs maladies neurologiques (Parkinson, Alzheimer, troubles du sommeil…). Ces molécules sont proches de la mélatonine, hormone fréquemment utilisée pour mieux dormir mais déconseillée à certaines populations par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement ou du travail). Selon le président du Fonds Josefa, Jean-Bernard Fourtillan, pharmacien et professeur honoraire de chimie thérapeutique, qui revendique la découverte de la valentonine, celle-ci est censée « protéger notre organisme et assurer la régulation des vies psychique et végétative ».

En France, la mélatonine est inscrite depuis 2011 sur la liste II des substances vénéneuses destinées à la médecine humaine, mais la réglementation autorise la commercialisation de compléments alimentaires apportant moins de 2 mg de mélatonine par jour. En raison des nombreuses interactions pharmacocinétiques et pharmacodynamiques possibles entre la mélatonine et certains médicaments, l’ANSES recommande, en cas de traitement médicamenteux, de ne pas utiliser de compléments alimentaires contenant de la mélatonine sans l’avis d’un médecin.

Le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) a porté plainte devant la juridiction ordinale contre huit médecins liés au Fonds Josefa, pour violation notamment des articles 15 (recherches impliquant la personne humaine), 39 (charlatanisme) et 40 (risque injustifié) du code de déontologie. Le CNOM s’est porté partie civile dans l’affaire pour son procès en juridiction pénale.

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a reçu trois signalements sur cet essai, portant sur des soirées organisées pour des professionnels de santé susceptibles d’envoyer des patients. Les patchs utilisés étaient vendus au prix de 1 500 euros.

AFP, www.lemonde.fr/societe/article/2019/09/19/l-ansm-interdit-un-essai-clinique-sauvage-sur-des-malades-atteints-de-parkinson-et-d-alzheimer_6012309_3224.html, 19 septembre 2019. ANSES. Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif aux risques liés à la consommation de compléments alimentaires contenant de la mélatonine. 28  février 2018. www.anses.fr/fr/system/files/NUT2016SA0209.pdf (texte intégral). Hospimédia, 7 octobre 2019.