Troubles cognitifs et repérage dans l’espace

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Date de rédaction :
22 octobre 2015

La découverte du réseau des « cellules de quadrillage » (grid cells), des cellules du cerveau impliquées dans le positionnement du corps et l’orientation dans l’espace, a valu à John O’Keefe, May-Britt Moser et Edvard Moser le prix Nobel de médecine en 2014. Un élément clé de ce réseau est constitué de cellules situées dans le cortex entorhinal du cerveau, qui sont capables de savoir vers où s’oriente notre tête, ou à quelle distance sont les murs d’une pièce. Les cellules de l’hippocampe, elles, stockent plusieurs « cartes mentales » de la représentation de l’espace. Ensemble, ces cellules constituent un système de coordination qui permet de naviguer dans l’espace. C’est justement dans le cortex entorhinal que commence la progression de la maladie d’Alzheimer, avant d’atteindre l’hippocampe, une zone essentielle à la mémoire, et d’autres aires cérébrales, tel le cortex pariétal, impliqué notamment dans l’orientation spatiale. En Allemagne, Nikolai Axmacher et ses collègues, du Centre allemand des malades neurodégénératives (DZNE), ont étudié deux groupes de personnes âgées de dix-huit à trente ans, ne présentant aucun symptôme de la maladie d’Alzheimer. L’un des groupes était porteur de la variante ε4 du gène APOE (codant pour un transporteur du cholestérol), le principal facteur de risque génétique de développer un jour une maladie d’Alzheimer. Cette mutation est présente chez une personne sur six. L’autre groupe était porteur d’une copie normale du gène APOE. Les deux groupes ont dû réaliser des exercices en réalité virtuelle [simulation informatique interactive, dans laquelle le participant se trouve « immergé » dans un monde artificiel], en naviguant sur un terrain sur lequel étaient dispersées des embûches (ballons de basket, légumes…). Les exercices comprenaient plusieurs tâches, notamment celle de ramasser des objets et les ramener au point où ils avaient été pris. Pendant le test, l’activité du cerveau des sujets était observée par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, notamment au niveau des cellules de quadrillage. Ce réseau apparaît moins actif chez les sujets à risque génétique de développer une maladie d’Alzheimer, et leur comportement de navigation dans l’arène virtuelle est altéré. Mais les personnes à risque réussissent néanmoins les tests de réalité virtuelle. Cela signifie qu’elles compensent le déficit de leur système de positionnement en sollicitant davantage l’hippocampe et la mémoire. Cette étude montre donc qu’il existe des altérations repérables dans le système de navigation spatiale plusieurs décennies avant la survenue éventuelle de la maladie d’Alzheimer.

Kunz L et al. Reduced grid-cell–like representations in adults at genetic risk for Alzheimer’s disease. Science 2015 ; 350(6259): 430-433. 23 octobre 2015. www.sciencemag.org/content/350/6259/430. Moser EI et al. Place cells, grid cells, and the brain’s spatial representation system. Annu Rev Neurosci 2008 ; 31: 69-89. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18284371. http://news.doctissimo.fr/Sante/Alzheimer-un-test-de-realite-virtuelle-pour-predire-la-maladie-43529, www.gameblog.fr, 26 octobre 2015. www.nlm.nih.gov/medlineplus/news/fullstory_155291.html, 22 octobre 2015. www.huffingtonpost.fr/2014/10/06/prix-nobel-medecine-2014_n_5937610.html 6 octobre 2014.