Transgression et troubles du comportement
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Déterminants de la maladie
Les troubles cognitifs ne peuvent rendre compte à eux seuls des désordres comportementaux des personnes âgées : une volonté transgressive peut être sous-jacente, liée à l’histoire de vie ou à des mécanismes de défense psychologique archaïques, écrivent Philippe Thomas, chercheur associé au centre de recherches sémiotiques (CERES, EA 3648) de l’Université de Limoges, et Cyril Hazif-Thomas, chef de service de psychiatrie du sujet âgé au CHRU de Brest (EA 7479). La transgression est « une opposition au rapport de force et à la violence symbolique ». Ainsi, la jalousie entre résidents fait facilement tomber des limites plus ou moins bien acceptées. Elle conduit à des excès comportementaux. L’agressivité peut se déplacer sur le personnel soignant qui est intervenu pour cadrer la situation. Par exemple, une résidente bouche les toilettes avec deux rouleaux de papier hygiénique, ce qui les fait déborder et occasionne un travail supplémentaire pour l’équipe de nuit. La transgression peut être aussi être « un moyen de générer un éclat de vie dans un univers vécu comme trop morne ». Ainsi, une résidente s’ennuie, se plaint à longueur de journée de sa solitude mais refuse toute proposition de participer à une animation. Un jour, elle urine dans le couloir devant sa porte, à quelque pas des toilettes, pour pouvoir voir une employée déjà bien occupée faire le ménage. Certes, la transgression peut être une quête de liberté, une protestation contre des règles trop strictes ou vécues comme injustes. Dans ce cas, la résidente se révolte contre elle-même, même si c’est une employée qui pâtit de son Fondation Médéric Alzheimer – ALZHEIMER ACTUALITÉS N°161 – Mars 2019 18/35 attitude, expliquent les chercheurs. Enfin, la transgression peut être liée à la confusion et à l’impulsivité. Ainsi, une résidente se précipite un jour sur le sac de courses d’un visiteur et s’y cramponne, refusant de le rendre : « Mon sac, c’est mon sac ! ». Un soignant s’interpose et n’obtient gain de cause qu’après un long palabre. Les pertes cognitives expliquent l’incapacité de la personne malade à gérer correctement l’environnement et l’erreur sur le sac. Mais ni les explications du propriétaire, ni les arguments du soignant ne viennent à bout de la colère de la résidente : la transgression porte ici sur son entêtement et sur sa violence. » Ces habitudes de vie, cultivées des années durant, font le lit des troubles du comportement. »
Thomas P et Hazif-Thomas C. Transgression et troubles du comportement. Soins Gérontol 2019 ; 135 : 36-38. Janvier-février 2019. www.em-consulte.com/article/1275596/transgression-et-troubles-du-comportement-chez-les.