Technologies de suivi et droit des personnes : la régulation n’est pas la même pour le covid-19 et pour la maladie d’Alzheimer

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
17 juillet 2020

Dans Libération, Pearl Morey, doctorante en sociologie à l’École des Hautes études en sciences sociales (EHESS), s’interroge : pourquoi les technologies de suivi des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ne suscitent-elles pas les mêmes précautions pour préserver les droits des personnes que la nouvelle application StopCovid, qui s’appuie sur un cadre législatif ? Leur régulation n’est advenue qu’une dizaine d’années après leur mise en vente sur le marché français par Internet. Désormais une vingtaine de recommandations de pratique s’appliquent mais sans fondement légal. Aucun consensus n’a été trouvé, ce qui laisse de plus en plus de place à des régulations non étatiques ou professionnelles mais marchandes. Pour Pearl Morey, ce constat est d’autant plus problématique qu’il s’agit ici de réguler des suivis de personnes par géolocalisation par satellite (GPS) ou par puce d’identification à radiofréquence (RFID) et non de suivre des contacts comme pour StopCovid. Malgré une promesse très séduisante, les non-usages et les abandons d’usage sont monnaie courante dans les établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Enfin, la question de l’adhésion des personnes malades d’Alzheimer à ces technologies pose doublement question. D’une part, parce que leur capacité à consentir peut être altérée en fonction de l’avancée de la maladie. D’autre part, parce que les industriels rendent la technologie invisible pour favoriser son acceptation par les malades (étiquettes collées sur les vêtements ou intégration dans les semelles des chaussures pour la RFID ; dispositif sous la forme d’une montre pour le GPS…). Pearl Morey dénonce une régulation à deux vitesses : « en matière de suivi technique des personnes, les droits des uns ne sont pas équivalents à ceux des autres », écrit-elle.

Pearl Morey est lauréate d’une bourse doctorale de la Fondation Médéric Alzheimer pour sa thèse intitulée « Géolocaliser les personnes âgées – Enquête sociologique sur la tension entre la liberté de circulation et la sécurité des résidents accueillis en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes », sous la direction de Catherine Le Galès et Marc Bessin.

www.liberation.fr/debats/2020/05/27/stopcovid-un-revelateur-des-inegalites-d-acces-aux-droits_1789448, 27 mai 2020.