Se souvenir ensemble : la nature sociale de la mémoire

Interventions non médicamenteuses

Date de rédaction :
16 avril 2011

Il y a plusieurs années, Suparna Rajaram, professeur de psychologie à l’Université Stony Brook (New York) a remarqué une « étrange contagion » dans un couple : l’un des partenaires a développé une démence, et l’autre a perdu de ce fait « les plaisirs de la réminiscence conjointe », dont elle se délectait. Depuis cette date, la psychologue s’est intéressée à la nature sociale de la mémoire, et à la « mémoire collaborative », qui explore les modes d’apprentissage et de mémorisation en groupe. Depuis plus d’un siècle, la recherche sur la mémoire en psychologie cognitive s’est concentrée principalement sur des personnes en situation isolée. Le changement d’orientation est récent. Suparna Rajaram propose une revue sur le sujet. Certains résultats sont contre-intuitifs. Par exemple, des « groupes collaboratifs » (étudiant ensemble) se souviennent mieux des mots d’une liste que chacun des participants de « groupes nominaux », dans lesquels on agrège les résultats de personnes répondant isolément. Mais les groupes collaboratifs se souviennent de moins de mots que l’ensemble des participants des groupes nominaux. Comment expliquer cette « inhibition collaborative » ? L’une des dynamiques est la « rupture de la recherche et de l’extraction » (retrieval disruption) : chaque personne a sa propre façon de se souvenir, et lorsqu’elle est obligée d’écouter les autres, elle ne peut utiliser ce moyen. Inversement, l’apprentissage collaboratif peut aider. Certaines personnes se souviennent différemment de l’information. En groupe, elles peuvent « recoller les morceaux », « rééduquer mutuellement » la mémoire des autres participants, corriger les erreurs, et étendre la mémoire collective. 

 Rajaram S. Collaboration Both Hurts and Helps Memory. Curr Dir Psychol Sci 2011 ; 20(2) : 76-81. 1er avril 2011.
www.psychologicalscience.org/index.php/news/releases/psychologists-ask-how-well-or-badly-we-remember-together.html.www.eurekalert.org, 27 avril 2011.