Réussir un projet « manger-mains »
Droit des personnes malades
Mettre en œuvre un projet « manger-mains » dans un EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) demande un investissement financier, une organisation, une formation des équipes notamment en cuisine, et une adhésion des familles. Les résidents doivent être bien ciblés : il est destiné aux personnes atteintes de démence, à celles qui déambulent et ne veulent plus s’asseoir au moment des repas, à celles qui sont atteints de troubles praxiques [pertes de coordination motrice volontaire, orientées vers un but, et issues d’un apprentissage] ou qui ont des tremblements, donc des difficultés à utiliser les couverts. Cela concerne également les résidents qui ont des troubles de la préhension, ceux qui refusent l’aide au repas, et les personnes âgées ayant des troubles de la déglutition aux solides ou aux liquides, explique Carole Monteix, responsable du réseau Nutrition Limousin. Les bouchées doivent être agréables visuellement, avec un goût identifiable et bon, identique au repas du jour, nutritionnellement équivalente à une préparation en texture normale, facile à enrichir, non salissante, commode à attraper avec les doigts, de petite taille, aisée à avaler et facile à remettre en température. Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer plébiscitent les couleurs et la sauce. La sauce est sous les bouchées, ce qui permet de les prendre sans qu’elles ne glissent des mains. Elle ne doit pas être trop liquide pour ne pas goutter lorsqu’on porte la bouchée en bouche, précise Emilie Chardonnieras, diététicienne en EHPAD et co-créatrice du site www.mangermains.fr. Par ailleurs, un projet « manger-mains » est destiné à de petits mangeurs, qui représentent environ 10 à 15 % des résidents. Ces petits mangeurs sont à risque de dénutrition : il faut donc enrichir les bouchées en apportant un volume de protéines suffisant. Lorsque la texture des aliments est modifiée, les protéines sont ajoutées dans la préparation. Pour les aliments à texture entière, elles sont ajoutées dans la sauce. Enfin, la communication avec les familles est primordiale : l’inquiétude est qu’il y ait une régression chez leur proche, souligne Annick Bounissou, psychologue clinicienne et co-créatrice du site www.mangermains.fr. Manger avec les mains n’enlève pas la dignité de la personne et s’appuie sur ses capacités encore existantes : si la maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée altèrent les apprentissages, le geste inné est d’attraper un aliment et de le porter à la bouche. Faire goûter les bouchées aux familles, les faire assister à un repas, permet de changer leurs représentations mentales.
Géroscopie pour les décideurs en gérontologie, juillet-août 2018. Réseau Nutrition Limousin. www.linut.fr/, 11 septembre 2018.