Presbyacousie : redonner la possibilité d’entendre… et de comprendre

Interventions non médicamenteuses

Date de rédaction :
01 septembre 2017

Pour une fois, l’éditorial de la Revue de gériatrie de juin 2017, intitulé « les presbyacousiques, les grands oubliés », est signé par une orthophoniste, Séverine Leusie, docteur en neurosciences et présidente du groupe de recherche Alzheimer presbyacousie santé (GRAPSanté), qui met en avant la relation entre la perte auditive et l’accélération du déclin cognitif (Lin et al 2014, Amieva et al, 2015), une information qui, selon elle, « ne rencontre pas beaucoup d’écho sur le plan pratique ». « La presbyacousie est une dégénérescence neurosensorielle non pas de l’oreille mais de tout le système auditif qui comprend certes l’oreille mais aussi tout le système nerveux qui lui est dédié. Compte tenu de nos modes de vie bruyants et de l’allongement de l’espérance de vie, la presbyacousie est inévitable… Il y a maintenant plus de douze ans que nous pensons que le déclin auditif, qui frappe insidieusement la quasi-totalité de la population après cinquante-cinq ans, aboutit ipso facto à un déclin cognitif. » Séverine Leusie rappelle que l’évolution de la presbyacousie se fait sur trois périodes d’une dizaine d’années chacune : après une période dite muette (la personne entend normalement), certains sons deviennent moins audibles, entrainant des distorsions qui demandent de faire répéter. Une gêne sociale apparaît alors, c’est la période clinique. Enfin, les conséquences neurosensorielles de ces pertes deviennent patentes, il s’agit de la période des complications. Autant les deux premières périodes sont plus ou moins supportables, surtout avec l’apport des aides auditives, autant la troisième période est invivable du fait des complications que la presbyacousie entraîne. Or, pour que cette troisième période n’arrive jamais à nos patients, nos proches ou nous-mêmes, tout se joue pendant la période muette ou préclinique, dans une optique de prévention secondaire. Si une intervention d’éducation-rééducation orthophonique bien menée est débutée lors de la période préclinique, muette, il sera plus facile pour le patient de compenser les pertes pendant l’évolution de sa presbyacousie et d’éviter ainsi d’atteindre la période des complications (…) Nous pouvons redonner aux presbyacousiques la possibilité d’entendre grâce aux aides auditives (tant que les cellules ciliées de l’oreille interne ne sont pas mortes) et de comprendre après une rééducation orthophonique avec un aidant. Ce deuxième point est important, car au fur et à mesure de l’évolution de la presbyacousie, certaines formes sonores aigües (en particulier les consonnes), disparaissent à jamais du champ auditif. »

Leusie S. Les presbyacousiques, les grands oubliés. Rev Gériatr 2017 ; 42(6) : 323-324. Juin 2017. www.revuedegeriatrie.fr/index.php# (texte intégral). Lin FR et Albert M. Hearing Loss and Dementia – Who’s Listening? Aging Ment Health 2014; 18(6): 671–673. Août 2014. www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4075051/pdf/nihms-600193.pdf (texte intégral). Amieva H et al. Self-Reported Hearing Loss, Hearing Aids, and Cognitive Decline in Elderly Adults: A 25-Year Study. J Am Geriatr Soc 2015; 63 : 2099-2104. Octobre 2015. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26480972.