Plateaux-repas compartimentés : pour ou contre ? (2)

Interventions non médicamenteuses

Date de rédaction :
25 mars 2011

L’assiette institutionnelle n’aggrave-t-elle pas l’incapacité à se servir d’un objet usuel, l’assiette (apractognosie) ? s’interroge Valérie Delaide, cadre de santé à l’hôpital Chastaingt du CHU de Limoges. Selon elles, les personnes en bonne santé ne prêtent pas attention aux trois actes élémentaires qui constituent l’activité de manger : la préhension, la mastication et la déglutition. Lorsqu’une limitation fonctionnelle survient pour l’un de ces trois actes, « les repas deviennent des moments de gêne et de honte : les personnes concernées préfèrent dire qu’elles ont déjà mangé ou qu’elles n’ont pas faim et refuser l’aide qui leur est proposée. Cette situation peut progressivement aggraver leur sous-alimentation et avoir une influence néfaste sur leur handicap et sur les symptômes psychiques et physiques de leur maladie ». « La prise de conscience des échecs répétés, dans l’action et la relation à l’autre, va être la cause de blessures narcissiques profondes ». Cette expérience anxiogène de l’échec peut expliquer le retrait, l’isolement et le désintérêt « comme un évitement de la situation devenue trop complexe. L’agressivité souvent observée lors des soins, comme lors de l’aide au repas, peut s’expliquer en partie par une réaction vive et personnelle à la dépendance » : « le moment du repas devient, pour les patients comme pour les soignants, l’activité de la journée la plus anxiogène ». L’équipe soignante de l’unité de vie protégée Alzheimer, qui accueille trente-deux résidents, s’est questionnée sur le plateau dans lequel était servi le repas : un rectangle compartimenté qui semblait déstabiliser les personnes âgées, certaines verbalisant même : « c’est quoi ce bac ? ». L’équipe a mis en place auprès de quatre personnes un projet de recherche infirmier (Praxalim, impact de la forme des assiettes sur la préservation des praxies dans l’alimentation chez les personnes âgées souffrant de démences sévères de type Alzheimer ou mixtes en institution). Lorsque le repas est distribué plat par plat, la routine entretient les capacités restantes. Faire cesser l’automatisme quelques jours peut entraîner une perte complète de la gestuelle. Avec l’assistance d’une aide médico-psychologique (AMP) lors du déjeuner, le repas est distribué dans une assiette ronde, plate ou creuse, de couleur blanche (pour éviter les distractions visuelles), lisses (les aspérités pouvant être confondue avec des débris d’aliments), et avec un liséré (pour trouver un contraste entre l’objet et la table). Les personnes malades débutent seules leurs repas, en utilisant leurs couverts, et retrouvent parfois l’automatisme de porter les aliments à la bouche. 

Delaide V. Démence et gestuelle de la prise des repas. Soins Gérontol 2011 ; 89 : 34-36. Mai-juin 2011.