« Non, ce n’est pas une simple grippe » : le discernement d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
01 octobre 2020

Véronique Lefebvre des Noëttes, psychiatre de la personne âgée, docteur en philosophie et éthique médicale, chercheure associée au laboratoire interdisciplinaire d’étude du politique Hannah Arendt (LIPHA EA7373) à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, évoque dans un éditorial de la revue Neurologie gériatrie psychiatrie, le discernement d’une octogénaire atteinte de la maladie d’Alzheimer, durant le confinement. « Non, ce n’est pas une simple grippe, me dit Georgette, 84 ans, dans sa chambre d’hôpital gériatrique qui l’accueillait pour une rééducation. Nous étions le 6 mars 2020. J’étais montée la voir dans les étages pour des propos suicidaires : elle voulait rentrer chez elle ou passer par la fenêtre. Mais ce n’était pas possible, elle avait une fracture, pas de famille présente et des troubles cognitifs qui atténuaient son discernement. Non, ce n’est pas une simple grippe, il y a déjà 19 morts, me dit-elle en me montrant les consignes barrière pour lutter contre le covid-19 à la télévision qui hurlait dans sa chambre sur les chaînes d’information en boucle. Près d’un mois plus tard, Georgette a attrapé le mauvais virus, mais elle a passé la vague de l’infestation virale, le cap. Mais n’ayant pas été levée, puisque confinée dans sa chambre, surconfinée au lit, elle n’a même plus la force, ni l’envie d’ouvrir la bouche, elle ne me reconnaît plus… Comment pourrait-elle le faire, les seules visites qu’elle reçoit sont masquées, furtives, anonymes. C’est une évidence, le masque barrant tout le bas du visage impose aussi une barrière relationnelle et les conversations, les traits d’humour, sans la possibilité de les interpréter sur une expression, sont appauvrissants et conduisent au silence résigné de nos malades. Pourtant, Georgette avait vu juste malgré sa démence, malgré les dénégations des grands professeurs, des savants, des stars du petit écran qui nous parlaient de simple grippette. Qui sont les vieux que notre société ne veut pas voir, pas entendre, que l’on veut surprotéger au risque de les faire mourir de chagrin d’être privés de liens… sociaux, familiaux, amicaux ? », s’insurge la psychiatre.

Lefebvre des Noëttes V. Ode à nos vieux en temps de covid-19. NPG Neurol Psychiatr Gériatr 2020, 20 : 189-191. Août 2020. www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7183993/pdf/main.pdf (texte intégral).