Maximiser le pouvoir d’agir peut se retourner contre la personne malade

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Les personnes malades

Date de rédaction :
06 août 2020

La revue Gérontologie et société, éditée par la Caisse nationale d’assurance vieillesse, consacre son numéro d’octobre 2018 au pouvoir d’agir de la personne vieillissante. Le philosophe Bertrand Quentin, du laboratoire interdisciplinaire d’étude du politique Hannah Arendt Paris-Est (EA7373) à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, repère les angles morts du concept d’empowerment ou pouvoir d’agir des individus, dans le contexte des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Ce concept, introduit par le philosophe anglais Thomas Hobbes (1588-1679) fait reposer l’identité d’un individu sur son aptitude à augmenter son pouvoir sur le monde et les autres. Bertrand Quentin alerte : « maintenir jusqu’au bout ses capacités est ainsi un mot d’ordre souvent revendiqué en territoire de gériatrie » mais « ce discours peut accentuer le risque d’acharnement thérapeutique » de la part de soignants : « par exemple, ne pas aider un résident en EHPAD lors de sa toilette à la mesure de ce qu’il demande, dans l’objectif qu’il puisse continuer à la faire seul le plus longtemps possible. Ou obliger un résident à marcher alors qu’il ne s’en sent plus capable et qu’il tombe régulièrement. C’est “son bien” qui est recherché : éviter une fonte musculaire qui pourrait l’empêcher définitivement de marcher. Mais le défaut d’aide répété au quotidien ou cette obligation pour lui à rester dans une position ressentie comme inconfortable prend en définitive la forme d’un harcèlement car ces sollicitations continues, malgré leurs intentions louables, peuvent finir par véritablement tourmenter le résident et sont vécues comme des attaques incessantes, non seulement psychologiques, mais aussi péniblement ressenties dans son corps. » Pour le philosophe, ces soignants font preuve d’une « empathie égocentrée » : en essayant de se mettre à la place d’un résident âgé (empathie), mais en conservant leurs jugements personnels de valorisation (égocentrisme), ils souhaitent que les personnes âgées agissent d’une manière conforme à ce qu’ils ressentent comme « meilleur pour elles ».

Quentin B. Quand maximiser le pouvoir d’agir se retourne contre la personne vulnérable. Gérontologie et société 2018 ; 157(40) : 181-187. Octobre 2018.