Lorsque le langage fait défaut : le sens des rires et des gestes
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Lorsque le langage fait défaut, le langage du corps peut exprimer le désir, toujours présent, de la personne. Pour les psychanalystes, la perte de la communication verbale chez des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer au stade très sévère constitue un défi quasi insurmontable. Frédéric Brossard et Rosa Caron, du centre de recherches Psychanalyse, médecine et société (EA3522) de l’Université Paris 7, ont suivi, pendant 140 séances (15 minutes, 2 fois par semaine), une résidente de maison de retraite, mutique mais riant et souriant d’une façon surprenante. « Mal à l’aise » au début face à ces rires qui leur paraissent « insensés », les deux psychologues finissent par considérer ces comportements non verbaux comme une forme de communication, en y trouvant une logique de défense : entre préconscient et conscient, « le rire serait un phénomène où l’angoisse serait transformée, gérée », « un clivage du moi, mis en place par le déni, avec un désir de vivre s’esquissant en filigrane. » Sigmund Freud écrivait : « l’humour peut être conçu comme la plus haute de ces réalisations de défense » : le contenu de la représentation attaché à l’affect pénible est soustrait à l’attention, et transformé en plaisir. La même équipe a étudié les gestes que la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer au stade sévère est capable d’imiter, témoignant d’une certaine conscience de soi et de l’autre, et qui peut constituer un levier d’accompagnement.
Brossard F et Caron R. Sens du rire et du sourire dans la maladie d’Alzheimer. Neurol Psychiatr Gériatr 2017 ; 17 : 365-372. Décembre 2017. www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1627483017300016. Brossard F et Caron R. Gestes signifiants, à travers l’imitation, dans la maladie d’Alzheimer au stade sévère : vécus subjectifs. Psychothérapies 2017 ; 4(37) : 211-223. www.cairn.info/revue-psychotherapies-2017-4-p-211.htm.