Liberté, sécurité, responsabilité : heuristique de la peur

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
15 janvier 2013

Peut-on enfermer pour protéger ? Rogner les libertés au nom de la sécurité ? s’interroge Flavie Dufour, de Direction(s), qui consacre un dossier à ce sujet. L’articulation entre liberté d’aller et venir et sécurité peut-elle être déterminée par la loi ? Entre précaution et ouverture, la tension est « dynamique ». Pour le Professeur François Vialla, juriste et directeur du Centre européen d’étude et de recherche Droit et santé (CEERDS), en affirmant que les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux doivent assurer à l’usager « le respect de sa dignité – dont la liberté est un corollaire -, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité mais aussi de sa sécurité, le législateur n’a pas établi de hiérarchie entre ces différents droits. Conséquence ? « Une forme d’heuristique [méthode exploratoire procédant par évaluations successives et hypothèses provisoires] de la peur conduit fréquemment les professionnels à privilégier la sécurité, en croyant se prémunir contre tout risque de responsabilité ». Si le dilemme entre sécurité et liberté reste « une question très toxique » dans les établissements, la jurisprudence n’indique pas de sévérité accrue des magistrats à leur encontre : « les sanctions sont assez rares. Au pénal, il faudrait mettre à jour le manquement manifestement délibéré à une obligation particulière de sécurité. Et sur le plan civil, une faute consiste en la violation d’une obligation préexistante. Mais comme ni le respect de la liberté ni la sécurité ne priment dans la loi, il faut considérer qu’il s’agit d’obligations de moyens et non de résultats ». « Dans les établissements, personne ne revendique d’enfermer des gens », estime pour sa part Alain Villez, de l’UNIOPSS (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux). Le premier moyen de dénouer les fils de ces questions complexes est l’éthique : « privilégier une réflexion pour tous les personnels », y compris les aides-soignants, les veilleurs de nuit, « en partant de cas concrets, plutôt que de produire de l’expertise avec le philosophe du coin ». Le débat peut-il être tranché par une loi ? La question pourrait être posée dans le projet de loi sur l’autonomie. Michèle Delaunay, ministre déléguée aux Personnes âgées et à l’autonomie, avait travaillé en effet sur une proposition de loi en ce sens lorsqu’elle était parlementaire. Parmi les arbitrages délicats figure le périmètre du débat : faut-il y intégrer la branche du domicile ? Oui, sans hésitation, déclare David Causse, coordonnateur du pôle santé-social à la FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs) : « en théorie, chez soi, la liberté de déplacement est totale. Mais avoir des clés de son logement ne protège pas du confinement ».

Direction(s), février 2013.