Les robots remplaceront-ils les humains ? (1)
Innovation
Sandra Bertezène, chercheur au laboratoire interdisciplinaire de recherches en sciences de l’action du Conservatoire national des Arts et métiers (EA4603), conduit des travaux sur l’innovation organisationnelle. Elle souligne qu’à la différence des Japonais, les Français sont réticents à utiliser la machine à l’intérieur des établissements, auprès des patients, des résidents ou de personnes vivant à domicile : « en France, les personnels travaillant avec les personnes âgées ou handicapées intègrent difficilement les technologies les plus simples, comme le robot Paro, qui a pourtant fait ses preuves auprès de personnes autistes ou atteintes de la maladie d’Alzheimer, et qui en est au moins à sa dixième version. Chez nous, le sentiment que la machine met le lien humain au second plan est permanent. » Les robots fascinent et cristallisent les peurs avec l’angoisse d’être un jour dominé, voire supplanté par eux. Leur irruption dans nos vies nécessite une réflexion éthique, explique Laurence Devillers, chercheuse en apprentissage machine, modélisation des émotions et interaction homme-machine au laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur (UPR3251) à l’Université Paris-Sud. Si les robots apprennent seuls comme des enfants, il est souhaitable de programmer ces futurs compagnons d’empathie avec des valeurs morales, des règles de vie en société et de contrôler leur apprentissage. Laurence Devillers croit en la capacité des « robots sociaux » à jouer demain un rôle important dans l’accompagnement de patients et de personnes âgées, en particulier celles atteintes de la maladie d’Alzheimer. « Les technologies ne remplacent ni le médecin ni les aides-soignants. Un assistant robotique, qui peut prendre la forme d’une application sur smartphone, d’un objet connecté ou d’un robot qui se déplace, ne se conçoit pas en substitution de professionnels du soin ou de l’accompagnement. Il en est d’ailleurs bien incapable. Les assistants robotiques du futur devront accomplir des tâches spécifiques pour lesquelles ils seront très performants et pourront rendre le travail des aidants plus aisé, voire pallier leurs manques. Pour l’instant, il n’est pas question qu’un robot remplace un professionnel, premièrement pour des raisons techniques et de sécurité, mais aussi d’usage. Il n’est pas question qu’une machine tombe sur la personne et lui fasse mal. Or, le déplacement dans un environnement en partie imprévisible, comme une maison, reste très compliqué pour les robots.
Animagine, février-mars 2018. Devillers L. Des robots et des hommes. Mythes, fantasmes et réalité. Paris : Plon. Mars 2017. 288 p. ISBN : 978-2-2592-5227-0. www.lisez.com/livre-grand-format/des-robots-et-des-hommes/9782259252270.