Les lacunes d’une définition purement biologique de la maladie d’Alzheimer
Recherche
Diagnostic et détection
Des critères largement utilisés pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer, établis en 1984, décrivaient un tableau clinique typique, recommandaient des tests de laboratoire pour exclure d’autres causes, exigeaient un examen neuro-pathologique pour un diagnostic définitif et classaient les personnes sans vérification pathologique comme ayant une maladie d’Alzheimer probable ou possible. Pendant plus de 20 ans, la maladie d’Alzheimer est ainsi restée un syndrome clinico-pathologique probabiliste, avec des critères notoirement non spécifiques, rappelle William Jagust, de l’Institut de neurosciences de l’Université de Californie à Berkeley (États-Unis). L’apparition progressive de biomarqueurs, indiquant la présence de pathologies bêta-amyloïde et tau dans le cerveau et le liquide céphalo-rachidien, a entraîné l’élaboration de nouveaux critères pour intégrer ces biomarqueurs dans l’évaluation diagnostique. L’évolution continue de ces critères a introduit le terme de maladie d’Alzheimer « préclinique », pour identifier les personnes ne présentant aucun symptôme mais exprimant des biomarqueurs indiquant la présence de pathologie amyloïde β et tau. Il s’agissait d’identifier les personnes aux tout premiers stades de la maladie d’Alzheimer qui pourraient bénéficier d’essais thérapeutiques et, éventuellement, d’une thérapie. Cette description des personnes asymptomatiques était assez controversée, mais en 2018, le groupe NIA-AA (National Institute on Aging-Association Alzheimer américaine) a introduit un cadre de recherche dans lequel les personnes présentant des biomarqueurs indiquant une accumulation pathologique des protéines bêta-amyloïde et tau étaient catégorisées comme ayant la maladie d’Alzheimer (non plus préclinique ou probable), indépendamment de la présence de symptômes. Ainsi, la suppression des critères cliniques a éliminé l’aspect syndromique de la maladie d’Alzheimer (ensemble de signes cliniques) et sa non-spécificité inhérente. Cependant, ce passage à une définition de la maladie d’Alzheimer entièrement biologique ou fondée sur des biomarqueurs soulève également des questions et des objections.
Dans le Lancet Neurology, le Pr Bruno Dubois, du département de neurologie du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière et le groupe de travail international sur le diagnostic de la maladie d’Alzheimer critiquent les lacunes de cette approche et proposent des critères actualisés pour l’utilisation des biomarqueurs dans un contexte clinique. Ils recommandent que le diagnostic de la maladie d’Alzheimer soit limité aux personnes qui présentent des biomarqueurs positifs associés à des phénotypes spécifiques de la maladie d’Alzheimer (ensemble des caractères apparents d’une personne), alors que les personnes sans déficit cognitif présentant des biomarqueurs positifs ne devraient être considérées que comme à risque de progression vers la maladie d’Alzheimer.
Jagust, William J. The Changing Definition of Alzheimer’s Disease. The Lancet Neurology, no 20 (29 avril 2021). https://doi.org/10.1016/S1474-4422(21)00077-6.
Dubois B et al. Clinical diagnosis of Alzheimer’s disease: recommendations of the International Working Group. Lancet Neurol, 29 avril 2021. www.thelancet.com/journals/laneur/article/PIIS1474-4422(21)00066-1/fulltext#%20.