Le Monde de Dory, d’Andrew Stanton et Angus MacLane
Société inclusive
« Le spectre de la démence et de la maladie d’Alzheimer hante l’aquarium Pixar », écrit Armond White, du magazine conservateur américain National Review, qui accuse Disney d’endoctriner les enfants de façon suspecte (fishy doctrine). « Les peurs d’être orphelin, en deuil, et impuissant dans la société ne sont abordées que pour être facilement apaisées. La quête du poisson bleu Dory pour retrouver son père et sa mère sont une métaphore transparente de la confusion de notre époque par rapport à la famille et à l’identité. » « Amusant, mais peu profond », juge Hillary Busis, de Vanity Fair : « l’équivalent piscine d’une maladie d’Alzheimer chez les malades jeunes, Still Alice version poisson. » « Les troubles de la mémoire font recette au cinéma », écrit Charline Zeitoun, de CNRS Le Journal. Pascale Piolino, professeur de psychologie cognitive et directrice du laboratoire Mémoire et cognition à l’Université Paris-Descartes (INSERM U894), explique : Dory est atteinte d’une amnésie antérograde : elle est incapable de mémoriser au-delà de quelques minutes les nouvelles informations de la vie au quotidien, depuis l’enfance. « Mais en réalité tout ne s’efface pas. Uniquement les souvenirs liés au contexte, au quotidien, aux épisodes de la vie. On parle de mémoire épisodique. Celle-ci ne représente qu’une partie de la mémoire à long terme qui englobe aussi la mémoire procédurale (ce sont les automatismes, comme l’enchaînement de gestes pour marcher, parler, nager, etc.) et la mémoire sémantique (ce sont les informations générales, culturelles, etc., comme les noms et les définitions, non liées à un contexte particulier). Or ces différentes mémoires concernent chacune différentes parties du cerveau ». Chez Dory, le maillon faible est l’hippocampe, qui permet d’encoder les informations de manière étroitement liée au contexte dans lesquelles elles sont apprises. « Heureusement, répéter les choses encore et encore permet de mobiliser les réseaux neuronaux d’autres régions du cerveau, ceux affectés aux tâches automatiques et sémantiques. C’est grâce à ces stratégies très procédurales que Dory sait qui elle est, n’oublie pas comment faire pour nager, connaît la langue des baleines sans savoir dans quelles circonstances elle l’a apprise, et sait que Nemo et Marin, les poissons-clown, sont importants dans sa vie, même si elle ne se souvient pas de ce qu’elle a vécu avec eux. » Comme eux, « elle s’en sort assez bien. Elle est débrouillarde et intelligente. »