Le couteau, la pomme et le mouton

Recherche

Date de rédaction :
23 juin 2020

Les tests de mémoire associative font appel à la reconnaissance d’images ayant un lien fonctionnel (arbre/oiseau ; pied/pantalon etc.). La culture influe sur ces associations, rappellent Rachid Oulahal, du laboratoire Clinique pathologique et interculturelle (LCPI-EA4591) à l’Université Toulouse Jean-Jaurès, et ses collègues. Une analyse qualitative des données obtenues auprès de 4 patients d’un centre de santé auxquels les tests MMSE [test standard] et TMA-93 [test de mémoire associative du 93] ont été administrés, met en évidence des biais liés à la différence culturelle pour les deux tests proposés. Par exemple, dans une planche d’images associant un mouton et un chien, deux participants hommes, au lieu d’évoquer la catégorie « animaux », proposent à plusieurs reprises une association entre le mouton et le couteau. La représentation culturelle du mouton lors de la fête musulmane de l’Aïd-el-Kebir a pu influencer la réponse et induire cette nouvelle association. Le couteau est ensuite associé à la pomme. Si l’objectif du test est avant tout d’évaluer la mémorisation d’un lien sémantique entre deux images, la création d’une association prototypique d’une culture propre au sujet fait intrusion au cours de la passation du test. Autre exemple : l’expression « pas de mais, ni de si, ni de et », dans la version française du test, a été traduite en arabe dialectal par « laa ilaa oua laa oua ». Cette expression n’a pu être répétée correctement par deux patients sur quatre : en fait, en appui sur les allitérations, ils ont répété la profession de foi de la religion musulmane, dont le début est vocalement similaire (laa ilaha illa Allah – « rien ne mérite d’être adoré à l’exception d’Allah »). Ainsi, l’influence culturelle a modifié leur compréhension du test. Par ailleurs, chez les personnes bilingues, il existe aussi, dès les premiers stades de la maladie, une difficulté à sélectionner la langue adaptée à la situation de communication. Le bilan du sujet âgé en situation pluriculturelle nécessite ainsi une adaptation qui va au-delà de la seule traduction d’un test existant, concluent les auteurs.

Oulahal R et al. Le couteau, la pomme et le moutonEntre neuropsychologie et psychologie interculturelle, quelle perspective pour l’évaluation cognitive de la mémoire épisodique des sujets âgés non francophones ? NPG Neuro Psychiatr Gériatr 2018 ; 18 : 162-169. Juin 2018. www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1627483018300461.