Le cerveau humain développe encore des neurones après l’âge de 90 ans
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Déterminants de la maladie
Santiago Ramón y Cajal, histologiste et neuroscientifique espagnol, a reçu le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1906 en reconnaissance de ses travaux sur la structure du système nerveux. Pour le père de la théorie du neurone, principe central des neurosciences modernes, nous aurions tous à la naissance un stock de neurones, qui diminuerait au fil des jours. Ce dogme a été très fort pendant jusque dans les années 1990. On sait aujourd’hui que l’hippocampe, région du cortex cérébral impliquée dans l’apprentissage et la mémorisation (et l’une des régions les plus affectées par la maladie d’Alzheimer), abrite une structure appelée le gyrus denté, un lieu où naissent de nouveaux neurones tout au long de la vie (neurogénèse hippocampique). Ce processus confère un degré de plasticité inégalé au réseau de neurones de l’hippocampe. Mais ces résultats n’avaient pas encore été montrés chez l’homme. Une équipe espagnole coordonnée par María Llorens-Martín, du département de biologie moléculaire de l’Université autonome de Madrid, a analysé les tissus cérébraux de 58 personnes décédées, âgées de 43 à 97 ans et en bonne santé neurologique au moment de leur décès. Grâce à une nouvelle technique de visualisation, les chercheurs ont identifié des milliers de neurones immatures dans le gyrus denté de ces personnes. Ces cellules-souche sont à divers stades de maturation avant leur différenciation en neurones fonctionnels. Le nombre de cellules nerveuses créées dans le gyrus denté diminue avec l’âge : entre 40 et 70 ans, il passe de 40 000 à 30 000 par millimètre cube. Dans un second temps, les chercheurs ont analysé les cerveaux de 45 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, et trouvé un nombre de neurones immatures inférieur de 30 % à celui observé chez des personnes sans troubles cognitifs du même âge. Le nombre et la maturation des neurones déclinent progressivement avec la progression de la maladie. Ces résultats montrent la persistance de la neurogénèse hippocampique chez l’homme, à la fois durant le vieillissement normal et le vieillissement pathologique. Le déficit de neurogénèse chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer pourrait être un mécanisme expliquant les troubles de la mémoire.
Moreno-Jiménez EP et al. Adult hippocampal neurogenesis is abundant in neurologically healthy subjects and drops sharply in patients with Alzheimer’s disease. Nat Med 2019; 25: 554-560. 25 mars 2019. www.nature.com/articles/s41591-019-0375-9.
www.sciencemag.org/news/2019/03/new-neurons-life-old-people-can-still-make-fresh-brain-cells-study-finds, 25 mars 2019. www.franceculture.fr/emissions/le-journal-des-sciences/le-journal-des-sciences-du-vendredi-29-mars-2019, 29 mars 2019.