Le canari dans la mine de charbon
Société inclusive
« Mon esprit était mon meilleur ami, mais maintenant je ne vois aucune chance de réconciliation. Les médecins disent que je fonctionne sur une “réserve cognitive”, un réservoir de secours d’intellect hérité, mais ils m’alertent : le réservoir sera bientôt à sec, comme il l’a été pour ma mère. » Greg O’Brian est journaliste au Washington Post. Dans son ouvrage intitulé On Pluto : inside the mind of Alzheimer (Sur Pluton : à l’intérieur de l’esprit d’Alzheimer), il décrit l’évolution de sa maladie. « J’ai récemment accueilli chez moi une équipe de la chaîne PBS (Public Broadcasting System) pour documenter mon combat, dans l’espoir d’aider à accumuler des connaissances pour la recherche », écrit-il. Il évoque les antécédents familiaux de la maladie, chez son grand-père, sa mère, son oncle puis son père. « Maintenant, c’est mon tour », dit-il. « Les résultats des tests sont venus deux semaines après un diagnostic de cancer de la prostate, que j’ai décidé de ne pas traiter, après en avoir discuté avec ma famille et mes médecins. Mon plan est que le cancer me tue avant que les symptômes de la maladie d’Alzheimer deviennent trop affreux. Je ne veux pas emmener ma femme et mes enfants dans ce lieu sans issue de la maladie d’Alzheimer, que nous avons déjà vue de près chez nos proches. Ma famille est maintenant confrontée à ce nouveau “moi”. Mas la maladie nous a aussi rapprochés, en nous forçant à nous unir et à travailler davantage à trouver du sens face à la perte. C’est effrayant pour eux, mais ils repoussent la peur et je suis fier d’eux. Après une brève séance de pitié (pity party), je me suis ressaisi pour me confronter à la maladie. » Greg O’Brian a commencé à écrire : mille pages de notes sont devenues un livre : « une ébauche de stratégies, de foi et d’humour, avec comme point focal la vie avec la maladie, pas la mort ; un espoir que tout n’est pas perdu, malgré les apparences. Pour les baby boomers, je me sens comme le canari dans la mine de charbon, en attendant que les chercheurs trouvent un traitement. Je crains le jour où je mettrai mes doigts sur le clavier et que je ne saurai plus comment écrire. Ce jour-là, j’abandonnerai et je me dirigerai, comme je l’écris dans le livre, vers la désolation de Pluton » Pourquoi Pluton ? « Il y a de nombreux parallélismes saisissants entre cette planète énigmatique et la maladie d’Alzheimer », écrit Greg’O’Brien. « Pluton est froide, séduisante, incongrument lointaine, et protège ses secrets : c’est le lieu parfait pour se perdre ».
O’Brien G. On Pluto: Inside the Mind of Alzheimer’s. 26 août 2014. Brewster: Codfish Press. ISBN: 978-0-9913-4010-1. www.psychologytoday.com/blog/pluto/201512/deep-the-darkness-pluto.