La solitude à plusieurs est peut-être la pire
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Pour Michèle Dion, professeur émérite de démographie au centre Georges Chevrier, (UMR 7366 CNRS) à l’Université de Bourgogne-Franche-Comté, « parler de solitude, ce n’est pas toujours parler de personnes seules et, à l’inverse, parler de personnes seules, ce n’est pas forcément approcher la solitude. La solitude ne s’apprécie pas à l’aune de l’isolement : c’est un sentiment plus qu’une caractéristique. On peut être isolé de multiples manières : géographique, sociale, affective, mais on sentira éventuellement la solitude sans qu’aucun des critères d’isolement ne soit présent. » La solitude des personnes âgées en institution est « une solitude cachée, car elle se déploie en milieu collectif. Quand on pense solitude des personnes âgées, spontanément on imagine un homme ou une femme seule, vivant plus ou moins chichement. C’est oublier celle des personnes “déplacées”, contraintes à vivre leur fin de vie en établissement » : « à quatre-vingt-cinq ans, il n’est plus temps, en établissement, de se refaire un réseau, de créer des liens amicaux. Tout ce à quoi se raccrochent les personnes âgées est uniquement en lien avec un passé qu’elles n’ont pas à cœur de partager, car c’est le seul trésor d’une vie dont elles voient l’issue approcher à grand pas. Leur environnement, lui aussi subissant la crise économique et donc de ce fait très contraint, n’est rythmé que par les heures des repas. Entre-temps, il semble ne rien se passer. A la solitude vécue à domicile, souvent à l’origine de la mise en établissement, de substitue la solitude à plusieurs : c’est peut-être la pire. »
Dion M. L’isolement et la solitude des personnes âgées au prisme du regard démographique. Gérontologie et société 2016 ; 38(149) : 41-53. Juin 2016. www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=GS1_149_0055.