La maladie d’Alzheimer comme handicap

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
23 juin 2020

Le sociologue Tom Shakespeare, spécialiste d’éthique, est professeur de recherche sur le handicap à l’Université d’East Anglia à Norwich ; il est lui-même handicapé. Hannah Zeilig, chercheuse à l’Université des Arts de Londres, est spécialiste des arts participatifs pour les personnes atteintes de troubles cognitifs, et des représentations sociales du vieillissement ; elle est atteinte d’un handicap psychique. Peter Mittler, ancien professeur à l’Université de Manchester, spécialiste de l’éducation inclusive, est atteint de la maladie d’Alzheimer ; il est conseiller pour les droits de l’homme de l’association Dementia Alliance International, fondée par des personnes malades, et collabore avec l’Organisation mondiale de la santé sur la reconnaissance de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées comme un handicap. Les trois activistes-chercheurs rappellent l’intérêt porté aux conséquences sociales de la maladie, qui a conduit à l’émergence d’initiatives locales destinées aux personnes malades. Le mouvement général est de s’éloigner des espaces formels destinés aux soins pour proposer un ensemble diffus d’espaces municipaux accessibles et proposant un soutien aux personnes malades. Les initiatives d’origine politique telles que les « villes accueillantes à la démence » (Dementia-friendly Communities) et « amis de la démence » (Dementia Friends) reflètent cet effort consistant à repenser à la fois les lieux de l’accompagnement et l’inscription de cet accompagnement dans une responsabilité sociétale. Jusqu’à présent, ces réponses sociales à la maladie d’Alzheimer se sont centrées sur le besoin de sensibilisation, comme aux premiers temps des politiques sur le handicap. Les chercheurs estiment que la « sensibilisation » et les « amis » sont des concepts plutôt faibles ; ils recommandent une réponse plus forte, fondée sur l’égalité des droits, reconnaissant que les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée constituent une minorité dans la société, disposant de peu de services dans de nombreux environnements, ce qui conduit à leur exclusion. Le modèle social du handicap, développé à l’origine pour la défense des droits des personnes atteintes de handicap physique, n’est pas suffisant pour décrire les incapacités associées à la douleur, à la fragilité, à la neurodégénérescence et aux difficultés psychologiques, estiment les auteurs. « Être amical ne suffit pas. » Dans un modèle social plus inclusif, c’est l’ensemble des services traditionnels (santé, transport, logement…) qui devraient s’attacher à lever les obstacles sur lesquels butent les personnes malades. Sont-elles traitées à égalité ? Existe-t-il un «  ajustement raisonnable » à leurs besoins ? Faire reconnaître la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées comme un handicap au sens traditionnel du terme reste difficile.

Shakespeare T et al. Rights in Mind: Thinking Differently About Dementia and Disability. Dementia (London) 2019; 18(3): 1075-1088. Avril 2019. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28387137.