« J’ai commencé à douter de moi-même pour la première fois »
Société inclusive
Wendy Sanchez est membre de Dementia Alliance International, l’association mondiale des personnes atteintes de démence présidée par Kate Swaffer. Célibataire, elle est atteinte de démence fronto-temporale. Elle écrit : « je suis une Américaine de soixante-treize ans vivant de façon presque autonome dans une petite ville rurale au Mexique. J’ai choisi de m’y installer après avoir perdu “la vie telle que je la connaissais” il y a cinq ans. Avant cela, j’étais propriétaire d’une maison, d’un appartement que je louais, de deux voitures. Je travaillais quatre jours par semaine, j’avais une relation amoureuse, de nombreux amis et des activités. L’impact de la perte de tout cela a été inimaginable, submergeant ma capacité à surmonter mon deuil. Récemment, on m’a appris mon diagnostic. Rendre mon permis de conduire (et donc perdre mon emploi) m’a catapulté dans la dépression. Mon identité, pensais-je, était entrelacée dans tous ces rôles de propriétaire, conductrice, femme au travail, grand-mère attentionnée et parent. Puis je me suis sentie amoindrie par rapport au reste de mes collègues, amis et à ma famille. J’ai vite appris que les taxis étaient inabordables, le système de bus déroutant et inadapté, et je rechignais à demander de l’aide. J’avais tellement honte d’admettre que j’avais besoin d’assistance, que ce soit pour savoir où aller quand j’étais perdue, pour me rappeler quand les dates de paiement de mes factures étaient dépassées, pour m’aider à comprendre des instructions, chez le docteur, ou quand la communication se bloquait, pour parler ou pour écouter. J’ai commencé à prendre le bus avec les personnes sans domicile fixe, confuse et sur la défensive. “Ce n’est pas ma place”, me suis-je dit. Quand je tombais en public, je ne voulais pas que les gens m’aident à me relever, et j’étais même en colère qu’ils me le proposent. Ma fortune était en chute libre. Je me suis mise à éviter des interactions sociales avec les amis, pour échapper à des conversations embarrassantes pour moi et pour eux, à ces moments où je ne pouvais pas trouver un mot ou ne pas comprendre ce qui se disait, par exemple. C’était parfois déchirant. J’ai commencé à douter de moi-même pour la première fois, et puis la peur m’a rendu visite tous les jours. Parfois, j’étais paralysée. Je voulais un baby-sitter. »
Alzheimer’s Disease International. Global Perspective, juin 2016.
www.alz.co.uk/sites/default/files/pdfs/Global-Perspectives-June-2016.pdf.