Internet : vers une mémoire externalisée ?

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
01 décembre 2007

L’amnésie induite par Internet guette-t-elle l’espèce humaine ? En, 2070, les pensionnaires des maisons de retraite sauront-ils chanter en choeur les airs de leur enfance ? s’interroge Francis Eustache, neuropsychologue à l’INSERM (université de Caen). Il a été constaté que les personnes atteintes de maladies non dégénératives conservent très longtemps le souvenir des comptines de leur enfance, des récitations et des airs sur lesquelles elles on jadis dansé : « cela leur donne des indices pour récupérer nos connaissances de plus haut niveau. Chanter ensemble, ça a l’air dérisoire, mais ce n’est pas rien. D’un point de vue thérapeutique, cela permet d’aller vers un mieux-être ».. Mais il n’est pas certain que les enfants d’aujourd’hui se constituent le même capital que leurs aînés, parce que l’école n’a plus le culte du « par coeur », mais aussi parce que la culture est de plus en plus éclatée, que chacun peut se la forger en fonction de ses intérêts et que la mémoire humaine peut désormais être « externalisée » sur Internet. Pourquoi se donner la peine d’apprendre quand tout est disponible ? « Quels souvenirs, quelle mémoire une communauté aura-t-elle en partage quand tout – donc rien – sera accessible à chacun », s’interroge Merlin Donald, professeur de psychologie à l’Université Queen’s (Ontario, Canada)? Antoine Danchin de l’Institut Pasteur s’inquiète de la paresse des scientifiques qui fait que l’on ne s’intéresse qu’à la fraction la plus récente de la littérature scientifique. Pour le psychologue cognitif Alain Lieury, de l’Université de Rennes 2, « les neurones qui ne sont pas sollicités meurent. Si l’on ne pratique pas de calcul mental, cette fonction est définitivement perdue ». Il y a vingt-cinq siècles, Socrate reprochait déjà à l’écriture d’externaliser la mémoire, le roi d’Egypte reprochant au dieu Thôt : « tu n’as pas inventé un élixir de mémoire, mais un moyen de retrouver un souvenir. Tu ne donnes pas la sagesse, mais l’apparence de la sagesse ». Le Monde , 16 décembre 2007.