Il n’existe pas de test sanguin fiable pour la détection précoce de la maladie d’Alzheimer
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En France, la start-up AgenT Biotech cherche à diagnostiquer la maladie d’Alzheimer dans sa phase silencieuse en développant un test sanguin. Son projet, soutenu financièrement par France Alzheimer, a été présenté à la Station F le 3 octobre 2019. L’approche est basée sur la détection de protéines modifiées dans le sang, donnant une « signature moléculaire » de la maladie pouvant devenir des biomarqueurs pronostiques. Ce projet s’appuie sur des modèles animaux chez le rat, menées au Commissariat à l’Énergie atomique (INSERM UMR 1169) par les équipes de Nathalie Cartier et Jérôme Braudeau. En attendant la validation de ces tests, où en est-on chez l’homme ?
Aux États-Unis, l’équipe du Pr Randall Bateman, du département de neurologie de l’Université Washington à St Louis (Missouri), a mis au point un test in vitro, utilisant des techniques avancées (immunoprécipitation et électrophorèse couplée à de la spectrométrie de masse), pour détecter dans le plasma sanguin la présence de deux protéines amyloïdes (Aβ40 et Aβ42). Dans une étude portant sur 158 personnes, les chercheurs montrent que la combinaison du rapport Aβ40/Aβ42, l’âge et la présence du gène muté APOEε4 (facteur de prédisposition génétique) permet de prédire dans 94 % des cas la présence de plaques amyloïdes dans le cerveau, observables en imagerie cérébrale (PET-scan). Les personnes ayant un PET-scan négatif (pas de plaques amyloïdes dans le cerveau) et un rapport Aβ40/Aβ42 < 0,12 ont un risque 15 fois plus élevé de développer des plaques amyloïdes dans les 18 mois.
Le Pr Bruno Dubois, neurologue et directeur de l’Institut de la mémoire et de la maladie d’Alzheimer à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), souligne la qualité de ce travail, mais tempère : le fait d’avoir des plaques ne veut absolument pas dire que l’on va développer la maladie. Certaines personnes en ont et ne seront jamais malades. En revanche, tous les malades d’Alzheimer ont des plaques. C’est une condition nécessaire mais pas suffisante ». Il rappelle les résultats de l’étude INSIGHT (Dubois B et al, 2018), menée dans son service auprès de 318 personnes âgées de 76 ans en moyenne. Sur les 88 personnes qui avaient ces lésions dans le cerveau (28 % des participants), seules 4 ont progressé vers une forme prodromale de la maladie en 30 mois. « Les autres ne l’auront peut-être jamais », indique le Pr Dubois. En clair, d’autres facteurs encore inconnus sont très certainement impliqués. « Cette étude est une étape intéressante mais il va falloir trouver les facteurs modulateurs qui vont soit dans le sens de l’accélération, soit du ralentissement de la maladie. A l’heure actuelle, il n’existe aucun moyen de prédire la maladie d’Alzheimer. Et quand bien même cette boule de cristal existerait, elle ne serait pas d’une grande aide : il n’existe aucun traitement permettant de ralentir ou de guérir la maladie. En clinique, chez les personnes qui n’ont aucun symptôme, nous ne faisons pas de dépistage. Même si nous détections des lésions, que pourrait-on faire à part leur dire “je n’ai rien à vous proposer” ? » Si aucun test prédictif n’est disponible, il est possible de limiter le risque de développer la maladie en agissant sur les principaux leviers : faire de l’exercice, éviter le tabac et l’alcool, surveiller l’état de ses artères (cholestérol, glycémie, tension, poids), avoir une alimentation équilibrée et stimuler sans cesse son cerveau.
https://twitter.com/AgenT_biotech/status/1179787545804189696, 3 octobre 2019. Schindler SE et al. High-precision plasma β-amyloid 42/40 predicts current and future brain amyloidosis. Neurology, 1er août 2019. Dubois B et al. Cognitive and neuroimaging features and brain β-amyloidosis in individuals at risk of Alzheimer’s disease (INSIGHT-preAD): a longitudinal observational study. Lancet Neurol 2018; 17(4): 335-346. Avril 2018.
www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29500152. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31371569. http://sante.lefigaro.fr/article/non-il-n-existe-pas-de-test-sanguin-pour-detecter-alzheimer-20-ans-avant-les-symptomes/, 9 août 2019.