Enjeux éthiques et juridiques des technologies pour les personnes âgées
Innovation
Bracelet au poignet ou à la cheville, pendentif, dispositif placé dans le téléphone ou dans les chaussures, balise, ceinture, voire patch collé à même la peau : ces dispositifs sont souvent utilisés en complément d’autres mesures (vigilance humaine, digicodes, détecteurs de mouvement) en établissement ou à domicile, ou pour éviter des mesures plus restrictives (confinement, contention). Pour Catherine Ollivet, présidente de France Alzheimer 93, lorsque la personne est atteinte d’une maladie neurocognitive, ces dispositifs peuvent être envisagés dans trois situations : aux stades débutants, la personne peut, sur un trajet qu’elle connaît, prendre à droite plutôt qu’à gauche, et se retrouver totalement perdue, alors qu’elle se trouve à quelques rues de chez elle ; à un stade modéré, la personne peut confondre le jour et la nuit, et sortir faire les courses à deux ou trois heures du matin : seule dans l’obscurité, elle peut être terrorisée et se perdre ; à un stade avancé, la personne qui a perdu la mémoire du présent, peut se croire à une autre période de sa vie, et partir à la recherche d’un parent, souvent de sa mère, pour chercher un peu de réconfort. Les questions qui se posent ne sont pas les mêmes dans les trois cas. Dans le premier cas, c’est la personne elle-même qui peut demander à porter le dispositif, qui la rassure. Dans les autres cas, il existe un débat sur la question de savoir si ces dispositifs constituent une restriction abusive de liberté, ou une atteinte illégitime à la vie privée.
Pour l’avocate Solenne Brugère et le philosophe Fabrice Gzil, ces dispositifs ne paraissent satisfaisants que lorsqu’ils permettent de renforcer à la fois sécurité et liberté. Dans un rapport remis à la Filière Silver Économie, les auteurs rappellent les principes fondamentaux pour l’innovation dans le domaine des technologies pour les personnes âgées : le point de départ doit être la personne dans son environnement de vie, dont la technologie fait partie ; les technologies peuvent rendre service aux familles, aux bénévoles et aux professionnels, mais elles doivent avant tout être mises au service de la personne âgée elle-même et de sa qualité de vie. Les grands principes français du droit et de l’éthique fournissent un cadre qui reste pertinent et adapté pour encadrer les technologies nouvelles et leurs usages. Les nouveaux usages numériques rendent pourtant nécessaire de faire évoluer le cadre juridique du secret professionnel et du partage d’informations. La visée est de bâtir, avec et pour les personnes qui avancent en âge, un monde plus solidaire, plus juste et plus durable. Le numérique est l’occasion de passer d’un paradigme de la prise en charge des incapacités à un paradigme de la promotion des « capabilités » [ce que la personne est toujours capable de faire, si on lui en laisse le choix] tout au long de la vie, ce qui implique notamment que les aides financières intègrent une approche globale de la santé.
Les auteurs proposent que des budgets de recherche spécifiques soient consacrés à ces sujets dans les prochaines années. Il s’agit, d’une part, d’amener ingénieurs, informaticiens, ergonomes, ergothérapeutes, gérontologues, spécialistes de la vision et de l’audition, à travailler avec des aînés sur tout ce qui pourrait simplifier l’appropriation et la maîtrise des nouveaux outils numériques.
Brugère S et Gzil F. Vieillissement et nouvelles technologies : enjeux éthiques et juridiques.
Espace éthique Région Ile-de-France. B Ethics Avocats. 3 décembre 2019. www.espace-ethique.org/sites/default/files/28.11.2019-rapport-gzil-brugere.pdf (texte intégral).
www.espace-ethique.org/sites/default/files/28.11.2019-rapport-gzil-brugere.pdf (texte intégral). www.ticsante.com/story/4911/ethique-et-numerique-un-rapport-pour-eclairer-les-acteurs-de-la-silver-economie.html, 11 décembre 2019.