Éditorial — Les femmes et les hommes ne sont pas également touchés par la maladie d’Alzheimer
Édito
Deux groupes d’experts, le Womens’ Brain Project et l’Alzheimer Precision Medicine Initiative (APMI)1, ont récemment publié dans la revue Nature, les résultats d’une étude montrant que la maladie d’Alzheimer pourrait avoir des caractéristiques et une évolution différenciée selon le sexe.
Si on savait déjà que les hommes et les femmes ne sont pas égaux face à la maladie d’Alzheimer, ces éclairages permettent d’affiner ce constat et d’apporter des éléments d’information complémentaires. A ce jour, on peut considérer que les femmes sont globalement davantage confrontées que les hommes à la maladie d’Alzheimer, au moins à quatre titres différents, dont les effets peuvent d’ailleurs se combiner :
Premier constat, largement partagé : si les femmes représentent près des deux tiers des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée, c’est parce que l’âge constitue le principal facteur de risque non modifiable et que les femmes vivent sensiblement plus longtemps que les hommes. Ce phénomène a été identifié dans les années 1980-1990 et constaté dans l’ensemble des pays développés.
Deuxième constat : le risque de survenue de la maladie d’Alzheimer ne serait pas seulement lié à l’âge mais aussi au sexe, entendu comme l’ensemble des attributs organiques et physiologiques spécifiques aux femmes et aux hommes. Les scientifiques du Womens’ Brain Project et l’APMI expliquent que les facteurs de risque pour la maladie d’Alzheimer sont beaucoup plus nombreux chez les femmes que chez les hommes, allant de la dépression à la chute du taux d’oestrogènes après la ménopause en passant par des complications liées à la grossesse ou le nombre d’enfants. Les symptômes cognitifs et psychiatriques sont aussi différents chez les hommes et les femmes : le déclin cognitif est plus rapide chez les femmes après un diagnostic de déficit cognitif léger. Des différences neuroanatomiques et fonctionnelles liées au sexe, et non plus seulement liées à l’âge, commencent à être identifiées.
Troisième constat : la surreprésentation des femmes parmi les personnes malades doit aussi être examinée à l’aune des différences de genre, au sens des rôles respectifs auxquels les hommes et les femmes sont socialement assignés. Des modes de vie plus confinés que les hommes, un taux d’activité professionnel plus réduit auraient davantage exposé les femmes des générations précédentes. En France, la prévalence des femmes parmi les personnes malades diminue (nombre de cas relevés dans la population) et l’augmentation du niveau d’étude et de l’activité professionnelle des femmes pourrait expliquer cette tendance.
La Société pour la santé des femmes à Washington alerte : « l’exclusion du sexe et du genre a entravé un avancement rapide de la détection, du traitement et de l’accompagnement tout au long du spectre clinique de la maladie ». Prendre davantage en compte ces déterminants dans les recherches cliniques constituerait une piste de recherche féconde ainsi qu’un levier significatif de réduction des inégalités relevées.
Quatrième constat, à ne pas négliger bien qu’il soit trop souvent perdu de vue : les femmes sont également davantage sollicitées que les hommes par la maladie en qualité d’aidant. Françoise Héritier le soulignait dès 2003 : « Les aidants familiaux sont [très majoritairement] de sexe féminin, dominante qui est aussi vérifiée dans le cas des [aidants professionnels]. En français, l’Initiative pour une médecine de précision chez les personnes malades d’Alzheimer, est une collaboration scientifique internationale, menée par Harald Hampel, professeur au département de neurologie de l’hôpital universitaire Pitié-Salpêtrière, qui milite pour une approche de la maladie sensible au sexe des patients.
On notera que ce sont des activités sans stabilité d’emploi et sans identité institutionnelle. Nul doute qu’il y ait là de sérieuses actions à mener dans l’avenir pour faire de ce travail une profession et pour impliquer davantage le sexe masculin dans les tâches d’accompagnement. » L’essentiel des professionnels des soins de santé ou d’accompagnement social et médico-social, sont en effet des femmes, à l’instar de tous les métiers du soin à la personne et du social. Du côté des aidants informels, près de deux tiers de ceux qui accompagnent un proche malade sont des femmes. Il existe donc en matière d’accompagnement des personnes malades une inégalité patente entre les sexes sur laquelle il est possible d’agir.
Si les femmes sont plus exposées que les hommes à la maladie et à ses conséquences, tous les facteurs qui déterminent cette situation ne sont donc pas à mettre sur le même plan. Certains n’offrent qu’une prise limitée tandis que d’autres, dont la racine est en réalité socio-culturelle, se prêtent à une approche volontariste. La Fondation Médéric Alzheimer entend mettre en lumière ces disparités sur lesquelles il est possible d’agir. Elle prend clairement position sur ce sujet au titre de ses propositions d’action dans le livre-plaidoyer qu’elle va publier le 20 septembre prochain.
La rédaction