Éditorial — Et si le bénévolat était un facteur de prévention des troubles cognitifs ?

Édito

Date de rédaction :
08 juin 2020

Le Conseil économique, social et environnemental définit comme bénévole toute personne qui s’engage librement pour mener une action non rémunérée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial. Elle n’est soumise à aucun lien de subordination juridique. Sa participation est volontaire : elle est toujours libre d’y mettre un terme sans procédure, ni dédommagement. Le bénévole se différencie ainsi du proche qui aide par l’absence de lien étroit avec la personne malade, et du professionnel par l’absence de rémunération. Les bénévoles représentent par ailleurs la société civile dans les institutions.

Tout le monde s’accorde aujourd’hui sur l’importance de l’accompagnement humain auprès des personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée. Si les regards se tournent spontanément vers les proches et les intervenants professionnels, les bénévoles restent encore dans l’ombre. Et pourtant, ils peuvent intervenir dans tous les dispositifs : au domicile, dans les établissements de santé, les établissements d’hébergement, les accueils de jour, les haltes détente répit Alzheimer, les séjours vacances… et même dans le village Alzheimer de Dax, qui ouvrira ses portes en mars 2020. Pour les personnes à mobilité réduite et/ou isolées, les bénévoles représentent le lien avec l’extérieur, des occasions d’écoute et de relations sociales. En dépit de ces questions multiples, diverses raisons expliquent cette insuffisante visibilité des bénévoles. S’ils peuvent intervenir dans tous les dispositifs Alzheimer, ils ne sont pas représentés uniformément dans les territoires. Parce qu’ils n’impriment pas suffisamment la pellicule, ils ne sont pas sur la photo… Le positionnement des bénévoles vis-à-vis des équipes soignantes comme des familles : ils n’ont pas les mêmes fonctions d’un salarié, même en situation de pénurie de professionnels, et n’ont pas non plus vocation à remplacer la famille. Une troisième raison tient au fait que si les bénévoles peuvent avoir un rôle de médiation (intermédiaire facilitateur), ils peuvent aussi révéler des dysfonctionnements dans l’organisation des professionnels ou au sein de la famille.

Pour la Fondation Médéric Alzheimer, il est important de mieux organiser l’intervention des bénévoles dans l’accompagnement des personnes malades. Cela passe notamment par une meilleure connaissance des facteurs qui favorisent leur recrutement et leur fidélisation. Il convient également de les outiller, de les encadrer et de les former. Ils ont besoin de réponses

des questions pratiques de savoir-faire et de savoir être : comment gérer une personne agitée ou dépressive ? Que faire quand les avis divergent entre la personne malade et son proche ? Que faire quand on ne partage pas la même vision des choses avec un autre bénévole ? Comment faire le deuil après le décès de la personne accompagnée ? Comment partager ses expériences avec d’autres bénévoles ?

Mais il convient aujourd’hui de voir plus loin, au-delà de la seule activité d’accompagnement.

Le maintien du tissu social, la stimulation cognitive liée aux interactions avec l’entourage dans le cadre du bénévolat (personnes malades, proches aidants, professionnels, personnel d’encadrement des bénévoles…) constituent pour le bénévole senior des facteurs protecteurs bien (re)connus contre le déclin cognitif. Le bénévole peut ainsi devenir un acteur-clé dans sa propre prévention de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées.

Un effort en ce sens doit être développé, car l’engagement bénévole ne va pas nécessairement de soi pour les seniors, qui représentent pourtant un « vivier » estimé entre 1 et 2 millions de bénévoles potentiels. Selon France Bénévolat, si 3 bénévoles sur 10 ont plus de 65 ans, le taux d’engagement chez les plus de 65 ans progresse moins que dans la population générale (5 % vs 12 %). Les causes sont connues : la concurrence avec la propre solidarité intrafamiliale du bénévole, la fréquente incompréhension de sa famille face à son engagement dans le champ de la maladie d’Alzheimer, la réticence à trouver la valorisation personnelle dans l’accompagnement de personnes qui renvoient à sa propre vieillesse, à l’abandon et à l’oubli de soi.

En conciliant don de soin et prévention, le bénévolat d’accompagnement propose une approche audacieuse de la maladie d’Alzheimer, aux effets doublement bénéfiques pour le bénévole.

La rédaction