Discours de vie et maladie d’Alzheimer : être à l’écoute est essentiel
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Les personnes malades
Le discours d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer renvoie à une réalité existentielle, écrivent Philippe Thomas, chercheur associé au centre de recherches sémiotiques (EA3648) de l’Université de Limoges, et Cyril Hazif-Thomas, chef de service de psychiatrie du sujet âgé au CHRU de Brest (EA7479) : ce discours cherche à mettre en forme un sens du monde encore mutualisable, à partager une vision de soi à travers la présence de l’autre. Trouver un sens, élaborer une signification, résoudre d’éventuelles tensions psychologiques internes, s’expérimenter dans des choix assumés par un passage à l’acte, mettre en mémoire un résultat positif ou négatif, passent par un récit intérieur, en permanence remis en cause et réécrit, destiné à soi mais aussi à être partagé. Si l’histoire de vie ne peut être modifiée, le discours qui s’y rattache peut être élaboré grâce à la dimension relationnelle qui peut ainsi devenir thérapeutique. Pour les psychiatres, la confusion, l’amnésie, les troubles du langage dans la maladie d’Alzheimer constituent des obstacles à cette démarche. L’attention dépend de l’intérêt porté au monde et de ce que l’on peut en comprendre : les troubles du jugement altèrent cette saisie. La personne atteinte de démence est confuse dans le monde qui l’entoure, de plus en plus perdue et perplexe, souvent stressée dans des situations qu’elle gérait autrefois sans problème. Si la dimension affective et émotionnelle persiste, alimentant des désirs, la personne malade perd la capacité de mettre en mots et en actes ce qu’elle vit. La conscience de son incapacité et des échecs éventuels dans ce qu’elle entreprend minent sa motivation à s’engager. Le renoncement facilite le désapprentissage, conduisant progressivement à une perte d’autonomie. Toute rupture du discours sur soi ébranle l’identité. Pour les soignants, maintenir une disponibilité d’écoute du discours d’une personne malade est un enjeu essentiel. Cinq conditions facilitent l’organisation de la signification du discours de la personne malade : reformuler l’acceptation de ce qu’elle exprime ; témoigner du respect devant ses efforts pour mettre en ordre son monde intérieur, l’extérieur se dérobant à elle ; valider son vécu ; l’encourager et faciliter sa prise de parole ; encourager les aidants à adopter un dialogue empathique.
Thomas P et Hazif-Thomas C. Discours de vie et maladie d’Alzheimer. Soins Gérontol 2018 ; 133 : 31-33. Septembre-octobre 2018. www.em-consulte.com/article/1243945/discours-de-vie-et-maladie-d-alzheimer