Diagnostic de la maladie d’Alzheimer : la machine remplacera-t-elle l’homme ?
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Diagnostic et détection
Studieuses et à la mémoire infaillible, des machines bien programmées se révèlent capables d’établir des ressemblances, de repérer des signaux prédictifs et de détecter des symptômes concordants quand l’homme tâtonne, répète les examens complémentaires et parfois se perd, écrit Aurélie Haroche, dans le Journal international de médecine. En effet, un algorithme est factuel et extérieur à la subjectivité humaine, rappelle Marc-Antoine Pencolé, doctorant au laboratoire de philosophie Sophiapol à l’Université Paris-Nanterre. Jae Ho Sohn et ses collègues, du département de radiologie et d’imagerie biomédicale de l’Université de Californie (États-Unis), ont conçu un logiciel capable de repérer les signes cérébraux du développement de la maladie d’Alzheimer, à partir des résultats de plus de 2 0 examens réalisés par TEP-FDG [tomographie à émission de positons au fluoro-désoxy-glucose, une technique de scintigraphie permettant de repérer les zones d’hypométabolisme cérébral]. Un apprentissage automatique en profondeur (deep learning) a permis de développer un modèle de diagnostic. Pour tester la fiabilité de ce modèle, les chercheurs ont soumis les clichés de TEP-FDG de 40 patients à leur algorithme. L’intelligence artificielle permet d’obtenir une spécificité de 82 % [82 % de chance que le test soit positif lorsque le patient est malade] et une sensibilité de 100 % [100 % de chance que le test soit négatif lorsque le patient n’est pas malade]. Les radiologues aguerris n’ont pour leur part obtenu qu’un taux de sensibilité de 57 % et de spécificité de 92 %. Fort de ces résultats, même si des évaluations complémentaires sont nécessaires en raison de la petite taille de l’échantillon, les auteurs paraissent convaincus de la pertinence d’associer la puissance de l’algorithme à l’expérience des cliniciens. Mais pour quoi faire, s’interroge la journaliste. Si la détection très précoce de la maladie d’Alzheimer grâce à différents outils est une prouesse technologique, les bénéfices pour les patients sont controversés. En 2012, la Haute Autorité de Santé (HAS) défendait les mérites d’un diagnostic précoce en raison de la possibilité de mettre plus sereinement en place un accompagnement adapté. Le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) est réticent : Le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) est réticent : un test spécifique à 82 % conduit en effet à un risque de 18 % de faux positifs. Annoncer que le test est positif provoquera angoisses et difficultés alors que l’évolution de la maladie n’est pas prévisible dans l’état actuel des connaissances. Pour l’heure, le dépistage de la maladie d’Alzheimer n’est recommandé ni en France ni à l’étranger, pour des raisons éthiques liées à l’absence de test validé en médecine générale et de traitement ayant une balance bénéfice-risque favorable.
Ding Y et al. A Deep Learning Model to Predict a Diagnosis of Alzheimer Disease by Using 18F-FDG PET of the Brain. Radiology, 6 novembre 2018. https://pubs.rsna.org/doi/10.1148/radiol.2018180958 (texte intégral). Pencolé MA. Nos algorithmes peuvent-ils être plus justes ? Rev Fr Éthique Appl 2018 ; (1) : 67-80. www.editions-eres.com/ouvrage/4222/un-monde-d-automatisation. www.jim.fr/medecin/jimplus/e-docs/lintelligence_artificielle_au_service_du_depistage_de_la_maladie_dalzheimer_intelligent__174855/document_jim_plus.phtml, 24 novembre 2018.