Concilier l’activité d’aide et l’activité professionnelle

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
21 janvier 2016

Plus d’un aidant sur dix a dû adapter son temps de travail, selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques de 2012. « Si je n’étais pas passée à 70%, je n’aurais pas tenu physiquement, admet Isabelle Leclerc. Idéalement, il me faudrait un mi-temps pour souffler un peu, mais ce serait intenable financièrement. » Il existe bien quelques dispositifs permettant de prendre des congés exceptionnels, mais ils sont restrictifs, contraignants et entraînent une perte de salaire. Sur ce sujet, les entreprises évoluent trop doucement. « La prise de conscience est tout aussi timide que récente. En dehors de quelques grands groupes, les initiatives sont rares. Les ressources humaines et les syndicats se sont d’autant moins emparés de cette question que les salariés aidants hésitent à se faire connaître. Ils craignent d’être stigmatisés et, pour eux, le travail est le moyen de penser à autre chose », explique Myriam Bobbio, coordinatrice du pôle économie, consommation et emploi à l’Union nationale des associations familiales (UNAF). Pourtant, certaines mesures seraient faciles à prendre, comme étendre les droits existants pour la petite enfance – les jours enfants malades, par exemple – aux personnes s’occupant d’un proche dépendant. « Les entreprises pourraient aussi prévoir une aide financière lorsque le salarié doit prendre un congé exceptionnel. Elles le font bien pour les congés maternité », propose-t-elle. Pour les indépendants, la situation est inextricable. Joël Jaouen, président de France Alzheimer, qui tenait une crêperie dans le Finistère, témoigne : « pendant trois ans, ma femme a dû compenser lorsque je devais m’absenter en plein milieu du service pour aider mon père. Et, durant la saison, nous avons déboursé des sommes très importantes pour payer des auxiliaires de vie supplémentaires. » France Alzheimer a calculé que, lorsque la personne reste à domicile, le reste à charge pour les familles, une fois déduites les aides, atteint près de six cents euros chaque mois, trois fois moins que pour un séjour en établissement. « Évidemment, j’ai pensé mettre mes parents en maison de retraite. Mais le calcul est vite fait : au bout d’un an et demi, nous aurions siphonné leurs économies et nous en serions de notre poche », explique Isabelle Leclerc, qui, en attendant, s’épuise et ne s’accorde que deux semaines de vacances par an. « C’est tout le paradoxe. Le maintien à domicile est encouragé, car il coûte moins cher à la collectivité. Mais, sans les familles, le système ne tient pas », résume le journaliste Frédéric Cazenave. « L’aidant est devenu une variable d’ajustement des politiques publiques, dénonce Florence Leduc, présidente de l’Association française des aidants. Il n’est ni naturel ni normal que la famille se substitue aux professionnels de santé. Il faut pouvoir assurer aux familles les ressources suffisantes pour que leur proche puisse vieillir dignement. »

www.lemonde.fr/economie/article/2016/01/20/perte-d-autonomie-le-chemin-de-croix-des-aidants_4850628_3234.html#oDSKa8jXpqyhMQpi.99, 20 janvier 2016. Soullier N et al. Aider un proche âgé à domicile : la charge ressentie. DREES. Études et résultats 2012 ; 799. http://drees.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er799.pdf(texte intégral).