Changer de regard sur la maladie d’Alzheimer

Société inclusive

Date de rédaction :
01 juillet 2007

Le point de vue des personnes malades se fait entendre tous les jours davantage dans le débat sociétal. Pour preuve, l’évolution du regard professionnel par rapport à la notion de citoyenneté, qui renvoie au domaine politique et au champ public, mais qui reste une référence souvent inhabituelle dans le monde du soin (G Laroque, H Thomas, A. Debru, C. Ollivet, B Hervy, J Le Gall, Gérontologie et société, juin 2007). Le droit du citoyen est-il respecté en institution ? Des obstacles à la participation effective demeurent et des évolutions profondes seront nécessaires face à la montée des exigences des nouvelles générations de personnes âgées. Au-delà des recommandations assurant que la personne âgée doit choisir son mode de vie, dans les faits, trop souvent, les autres décident à sa place. Et si on lui demandait son avis ? Encore faut-il que les demandes puissent s’exprimer, qu’on sache les écouter et y répondre. L’expérience d’Alma Paris montre que l’écoute active et suivie des plaintes pour maltraitance est efficace dans quatre cas sur dix (H Beck et A Boiffin, Gérontologie vision nouvelle, 3è trimestre 2007). Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, les aidants professionnels accordent cependant peu d’attention à deux éléments importants pour les personnes malades : la situation financière et le sentiment d’être utile ou de donner un sens à sa vie (DL Gerritsen, Am J Alzheimers Dis Other Demen, juin-juillet 2007). Selon Robert Moulias, au sein des milieux médicaux et soignants, la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer est trop souvent considérée à la seule aune de ses déficits, sans égard pour ses capacités conservées (Gérontologie vision nouvelle, 3è trimestre 2007).

En se plaçant du point de vue des personnes malades, la réflexion sur la préservation de leurs compétences permet de faire évoluer la nature des interventions psychosociales. Les adaptations architecturales au sein des unités Alzheimer devraient permettre aux personnes de retrouver leur liberté dans un cadre protégé (Les Cahiers de la FNADEPA, juin 2007). La musique et les souvenirs agréables, quant à eux, permettent aux personnes agitées de retrouver le calme, ce qui permet de réduire les troubles du comportement (K Garland et al, Am J Geriatry Psychiatry, juin 2007). L’ordre de disposition des objets usuels permet d’améliorer les actions de la vie quotidienne (T Giovanetti, Neuropsychology, juillet 2007). Un programme d’activités tenant compte des capacités individuelles restantes rend possible une réduction de la dépression en enrichissant les opportunités d’interaction (DJ Brooker et al, Aging Ment Health, juillet 2007). En résumé, des activités adaptées aux personnes malades sont porteuses de sens : elles procurent plaisir, lien, appartenance, autonomie et identité personnelle (A Phinney A et al, Aging Ment Health, juillet 2007).

De nouvelles perspectives se font également jour dans le monde médical, avec une approche diagnostique différente de la maladie d’Alzheimer (B. Dubois et al. Lancet Neurol, 6 juillet 2007), fondée sur des éléments cliniques, biochimiques, structuraux et métaboliques. Cette approche se démarque de la démarche traditionnelle fondée initialement sur l’incapacité fonctionnelle (Le Monde, le Nouvel Observateur, Le Figaro, 10 juillet 2007 ; www.newsmedical.net, 9 juillet 2007 ; www.medicalnewstoday.com, 10 juillet 2007). Porter un diagnostic le plus tôt possible représente un objectif présent à l’esprit de tout médecin, et de la reconnaissance précoce d’une affection dépend la maitrise de son évolution. Cela est vrai, mais est-ce pertinent dans le contexte de la maladie d’Alzheimer? Rappelons que les thérapeutiques médicamenteuses en sont à leur début, avec des résultats modestes pour les personnes malades sensibles à leurs effets.

Le diagnostic précoce n’a de sens que si la personne exprime une plainte, pose des questions et souhaite recevoir des explications. Le diagnostic précoce n’a de sens que si un programme d’accompagnement est aussitôt mis en place (P. Bienvault, La Croix, 11 juillet 2007 ; Soins Gérontologie, juillet-août 2007). Il doit être destiné à la personne concernée, mais aussi à son entourage familial (Share, juillet 2007 ; YK Chee et al, J Gerontol A Biol Sci Med Sci, juin 2007 ; RS Hebert et al, J Pain Symptom Management, 4 juillet 2007 ; CJ Farran et al, West J Nurs Res, 27 juin 2007 ; JW Brown et al, J Adv Nurs, 2 juillet 2007 ; V Goodwin et al, Issues Men Health Nurs, Juin 2007). Outre les conseils de vie quotidienne, ce programme d’accompagnement doit couvrir les aspects psychologiques, sociaux, juridiques, financiers� rencontrés au cours de l’évolution de cette pathologie sur une dizaine d’années (www.diariomoriles.com, 2 juillet 2007 ; USA Today, 29 juin 2007 ; www.thematuremarket.com, 7 juillet 2007 ; Teno JM et al, J Pain Symptom Management, 20 juin 2007 ; Les Cahiers de la FNADEPA, juin 2007). Le maintien du statut de citoyen de la personne malade et sa qualité de vie dépendent en grande partie de la mise en �uvre de cet accompagnement.

Plutôt que d’un diagnostic précoce, ne conviendrait il pas de parler d’un diagnostic moins tardif ? Il est fait référence ici aux personnes malades depuis plusieurs mois, voire années, qui sont dans la souffrance, sans diagnostic précis hormis celui de l’âge� Les efforts ne devraient-ils pas porter prioritairement sur ces situations plus nombreuses qu’on ne le croit ?

Dr. Jean-Pierre Aquino
Paul-Ariel Kenigsberg