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« Nous pensons de plus en plus que le fait de ne plus séparer l’audition de son système nerveux est une idée qui nous facilite grandement la compréhension de ce qui arrive aux presbyacousiques. Leurs problèmes ne siègent pas seulement dans l’oreille et l’oreille n’est pas isolée des autres sens », écrit le Dr Laurent Vergnon, oto-rhino-laryngologiste et fondateur du groupe de recherche Alzheimer presbyacousie santé (GRAPsanté). « L’audition ne joue qu’un rôle très important dans nos extéroceptions [sensations causées par des stimuli extérieurs]. Le travail à faire ne peut pas se limiter non plus à changer leur environnement, c’est-à-dire ce que nous appelons les ondes sonores car nous ne sommes pas capables de recréer ce que le cerveau d’un presbyacousique avait en mémoire avant d’être endommagé par la dégénérescence neurosensorielle. Le son est non seulement perçu à une intensité plus faible (là, les aides auditives font merveille) mais il est distordu et ne correspond plus à ce que le presbyacousique a dans sa mémoire auditive. L’abandonner avec deux aides auditives, même parfaitement réglées c’est au mieux lui donner quelques mois ou années d’audition possible mais ce n’est sûrement pas lui donner le moyen de comprendre avec ce qui lui restera d’audition. Ne pas lui proposer une rééducation, c’est en fait l’empêcher d’avoir une audition qui remplacera presque celle dont il se servait quand il était plus jeune. Il est aujourd’hui illusoire de croire que des aides auditives pourront un jour prochain faire disparaître les distorsions causées par la presbyacousie, seul le presbyacousique a les ressources nécessaires pour faire ce travail ; à nous de le guider », explique l’ORL. « Tant que nous n’aurons pas compris que rien n’est donné et que chacun de nous a dû dans son enfance construire soi-même, avec l’aide de sa maman et de tout le monde ensuite, sa propre audition, nous ne lui apporterons même pas la moitié de ce dont il a besoin. Le reste, ce qui lui manque pour comprendre, la correspondance avec ce qui lui permet d’entendre presque normalement est à reconstruire plus ou moins complètement selon le stade d’évolution de sa presbyacousie ». Mais attention, prévient Laurent Vergnon : « l’évolution de la presbyacousie ne sera pas pour autant stoppée et le travail fait un jour doit être repris le jour suivant. C’est donc à vie que l’audition doit être travaillée, que la mémoire doit servir à adapter nos automatismes. Cela demande un savoir-faire qui ne nous a pas été enseigné à l’école et qu’il faudra apprendre afin de pouvoir construire en temps réel ce que le presbyacousique perd avec le vieillissement de son oreille. » Pour optimiser ce double apprentissage auditif et cognitif, le GRAPsanté recommande de dépister la presbyacousie le plus tôt possible ; de proposer les aides auditives le plus tôt possible ; de commencer l’éducation puis la rééducation auditive le plus tôt possible ; de poursuivre la rééducation jusqu’à la fin de vie ; de disposer d’un aidant du presbyacousique jusqu’à la fin de la vie ; de faire régler les aides auditives par le couple audioprothésiste/orthophoniste à chaque demande de l’aidant, du presbyacousique ou de l’un des deux professionnels, les principaux “soutiens du presbyacousique”. »
La Lettre du GRAPsanté 2015 ; 71. Novembre 2015. www.grapsante.org/lettres/GRAP_lettre_71_Novembre_2015.pdf.