Beaucoup d’exigences, peu de responsabilités

Édito

Date de rédaction :
01 novembre 2006

Avec l’ère numérique, le nombre de sources d’information sur la maladie d’Alzheimer et les autres affections neurodégénératives s’est certes multiplié. Mais à l’heure du diagnostic et des premières difficultés, les aidants restent souvent démunis. A l’épreuve des faits, l’aspect relationnel avec les médecins, gérontologues, accompagnateurs sociaux, aide-soignants, infirmières… compte bien davantage que la meilleure des documentations. Des articles de la presse du monde nous renvoient le signal d’une insuffisance de l’information, signal paradoxal puisque cette information existe, mais qu’elle n’est pas forcément bien relayée auprès des malades et de leurs aidants par leurs interlocuteurs privilégiés. En Allemagne, la société Alzheimer de la province de l’Oberberg, ayant fait ce constat que rien ne remplace une relation de proximité avec les aidants pour mieux les armer, a ouvert une session de formation pour les proches et les aidants désemparés face à la maladie (Oberberg Aktuell, www.oberberg-aktuell.de). Notre voisin d’outre-Rhin, par la voix d’une association, pointe également la méconnaissance des derniers développements de la gérontologie dans les milieux médicaux (Ratgeberbox.de, www.ratgeberbox.de). Faute de formation plus poussée des étudiants en médecine, cette défaillance de (re)connaissance de la maladie d’Alzheimer, associée à d’autres facteurs, débouche sur une prise en charge « insuffisante », écrit l’association (Deutsches Grünes Kreuz) des malades, et à des décisions incertaines dans les traitements. Ce constat entraîne des conséquences bien lourdes pour les malades et leur famille… Car une étude menée aux Etats-Unis apporte, quant à elle, un éclairage éloquent : lorsque les aidants ont été bien informés et conseillés, les malades dont ils s’occupent entrent plus tardivement dans des instituts spécialisés (Macleans, www.macleans.ca). La clé de cette découverte réside dans le fait que les programmes de conseils sont réalisés « sur mesure ». Nous résolvons ainsi notre hiatus de départ : l’information et les conseils existent, mais ils sont d’autant plus efficaces qu’ils sont dispensés de personne à personne. Au Royaume-Uni, la Société Alzheimer a décidé de tenir compte des derniers développements connus de la maladie et de ses aspects thérapeutiques et psychologiques en publiant un nouveau guide des soins aux personnes malades, à destination des aidants familiaux et professionnels (www.politics.co.uk). Le Japon tente de son côté de mieux approcher la réalité et l’ampleur de la maladie d’Alzheimer et des troubles apparentés, en réalisant une étude chiffrée sur le nombre de personnes atteintes (The Daily Yomiuri, www.yomiuri.co.jp). 
Le poids qui pèse sur les aidants est d’autant plus lourd que la société exige beaucoup d’eux. Dans le même temps, les modes de vie modernes construisent un modèle de liberté et d’indépendance, peu compatible avec la prise en charge d’un malade très dépendant. Ainsi l’Inde, où la tradition familiale a toujours été prégnante, constate-t-elle cette dichotomie : les familles acceptent de moins en moins de s’occuper d’un parent âgé dépendant, comme le voulait la coutume (Frontline, www.hinduonnet.com). Un projet de loi est par conséquent en cours, qui obligera toute personne à s’occuper de ses parents ou grands-parents. C’est ainsi que l’Inde doit prononcer à son tour, comme dans la plupart des sociétés développées, l’obligation de solidarité. Mais il n’y a guère de morale à faire dans cette histoire : ici comme à l’étranger règne un double discours. D’un côté « l’idéal » de la consommation, du bien-être et des loisirs, de l’autre, la réalité du vieillissement de la population et des politiques limitées d’aide et d’accompagnement. Les responsabilités sont diluées, que ce soit au niveau familial comme au niveau de l’Etat. La loi n’a pas fini de trancher dans ce débat…
Sabine Grandadam