Au Bistrot mémoire, on peut échanger sans avoir peur d’être jugé
Société inclusive
Pour pouvoir boire un verre à La Lavandière, unique café de Chémery-sur-Bar (Ardennes), il faut parfois jouer des coudes, témoigne Juliette Delage, de Libération. Tous les quinze jours, le petit établissement aux murs mauves est investi par une quinzaine de personnes atteintes de troubles neurodégénératifs pour participer à un Bistrot mémoire. « Depuis qu’on a commencé l’année dernière, on est venu à chaque fois. Pour rien au monde on ne louperait ce rendez-vous », déclare Gilbert Lanher, 81 ans. Son épouse, Micheline, lutte contre la maladie depuis 6 ans. Depuis le premier Bistrot mémoire créé à Rennes, il y a 16 ans, il en existe aujourd’hui 54 dans 22 départements. « On organise des séances autour d’un thème lié à la maladie, ou autour d’une activité de loisir, dans un lieu ouvert à tous, la plupart du temps dans des cafés », explique Élise Laflèche, chargée de mission de l’Union nationale des Bistrots mémoires. L’objectif est de déconstruire les clichés qui entourent la maladie d’Alzheimer. « Il y a toujours des gens qui passent dans un café, parfois ils s’arrêtent, écoutent et même, participent », insiste-t-elle. Pour Lydie Jolivet, la psychologue qui encadre les rencontres de Chémery-sur-Bar, les Bistrots mémoires sont aussi des « bulles » pour les familles, « un moment où on laisse la maladie sur le pas de la porte ». Jean-Claude Dentrey, 77 ans, raconte à quel point il est devenu difficile pour lui de communiquer avec sa femme, Marie, depuis qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Les Bistrots mémoires sont pour eux, un lieu précieux d’échanges et de rencontres, où on n’a pas peur d’être jugé. « C’est toujours très convivial. Ça fait du bien à mon épouse de pouvoir parler, je pense même que ça l’aide dans sa maladie », insiste le septuagénaire. Et pour lui aussi, « moi ça me change les idées, hier on a passé l’après-midi à faire des cartes de Noël, on pense moins à la maladie. »
www.liberation.fr/evenements-libe/2019/11/23/laisser-la-maladie-sur-le-pas-de-la-porte_1765142, 23 novembre 2019.