Ateliers au musée : toucher les cinq sens (1)

Société inclusive

Date de rédaction :
19 décembre 2015

Le succès du programme d’art-­thérapie « Meet me at MoMa » (rencontrez-moi au MoMa), lancé en 2006 au musée d’Art moderne de New York pour personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, a inspiré de multiples initiatives qui émergent peu à peu dans les musées français. Ainsi, le musée Toulouse-Lautrec d’Albi propose des visites de conversation autour d’œuvres d’art choisies et des visites guidées adaptées aux aidants et à leurs proches malades. À la Piscine de Roubaix, depuis six ans, Julien ­Ravelomanantsoa anime des ateliers-visites mensuels, créatifs et ludiques. « Le tutoiement est de mise et les conditions sociales, la maladie ou les difficultés du quotidien laissées sur le pas de la porte. Au point que, parmi la dizaine de participants, il est difficile de distinguer les personnes malades des accompagnants familiaux. Cet atelier est un moment de partage. Les aidants sont ravis car, le temps d’une matinée, ils oublient leurs soucis. La thérapie vaut pour les personnes malades d’Alzheimer comme pour eux. » Une fois les personnes installées autour de la longue table de travail, le silence se fait, observe la journaliste Amandine Pilaudeau, de La Vie. Feutres à la main, les yeux clos, chacun tente de reproduire par le geste artistique la cadence musicale proposée par Julien. Aujourd’hui, il s’agit de l’appel à la prière du Nouvel An juif, interprété au shofar, la corne de bélier. Nul prosélytisme ici, mais plutôt une articulation pratique autour de l’exposition temporaire du musée : Marc Chagall, les sources de la musique. Une entrée en matière et une façon de mettre en éveil les sens des participants. Au menu de la visite : des clés de compréhension, des références à l’histoire de l’art, des éléments biographiques et des analyses de tableau. On y apprend que pour Chagall, les bouquets de fleurs représentent sa femme, Bella, et que la couleur rouge symbolise les émotions puissantes. « Je suis très bavard, reconnaît Julien dans un éclat de rire. C’est dense, mais si vous faites attention, je ne donne aucune date. Le but est de vivre le tableau, de l’écouter et de partager ce que nous ressentons. » Car si la maladie d’Alzheimer altère la mémoire, elle n’a aucune prise sur les sensations. Face aux œuvres d’art, les commentaires fusent. Colette de s’exclamer : « Il est tordu ce peintre ! » Et René de surenchérir : « C’est moche ! » Heureusement, une dame vient conclure cet échange, laconique : « Les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas. »