Aidants sans frontières : totems aborigènes
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
En Australie, les communautés aborigènes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée trois à cinq fois plus souvent que la population générale australienne. Cependant, la démence reste très mal reconnue par les travailleurs sociaux et les services d’aide et de soins intervenant dans ces communautés, selon un rapport de Leon Flicker, professeur de médecine gériatrique à l’Université d’Australie occidentale à Perth, et Kristen Holsworth, de l’Institut pour la santé et le vieillissement de Melbourne. En réponse aux recommandations du Centre de santé à distance (Centre for Remote Health), Alzheimer Australie met en place un programme de formation de « travailleurs clés » pour améliorer le parcours de soins des populations aborigènes. Steph Charlesworth, travailleur clé pour le Territoire du Nord, s’est rendu dans un camp de répit de la communauté Palumpa [trois cent quarante personnes] pour partager leur histoire. « Cela a commencé par un rêve. La nuit précédant mon voyage, j’ai rêvé qu’un aigle se posait sur mon bras gauche ; il me signifiait qu’il n’était pas bien et voulait que quelqu’un l’écoute. Je répondis que je le rencontrerais prochainement et il s’envola, laissant mon bras gauche chaud pendant quatre heures. Le lendemain, j’ai rencontré le groupe au camp de répit, et mon attention a été attirée par une dame assise à l’extérieur de sa tente. Elle ne se mêlait pas au groupe et avait l’air triste. Le lendemain, au sein du groupe, j’ai demandé si quelqu’un avait pour totem un aigle [le totem est un être mythique (animal, végétal ou objet naturel) considéré comme l’ancêtre éponyme d’un clan ainsi que son esprit protecteur et vénéré comme tel]. C’était le totem de la femme triste, et le groupe m’a demandé d’aller lui parler. “Nous nous sommes rencontrés”, dit-elle. “Oui”, lui répondis-je. Elle me dit combien elle se sentait malade, combien elle s’inquiétait pour sa famille et pourquoi elle était si triste. J’ai écouté et écouté… et elle a souri, ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Voilà pour le camp. C’était une série d’interactions où les mots ne sont pas la façon dominante de raconter des histoires : nous rentrions en relation à travers les sentiments et l’être. S’asseoir en silence avec quelqu’un pour regarder les autres ramasser les nénuphars ; pêcher en silence sur la rive ; bondir à travers le paysage accidenté ; s’asseoir pour peindre. Chacun s’exprimait à sa manière, c’était un lien entre des gens nés dans le même pays, mais avec des expériences différentes. J’ai entendu les histoires de traumatismes qu’ont vécus ces femmes dans leur vie, et j’ai été touché par leur résilience [la capacité à prendre en compte l’événement traumatique pour ne plus vivre dans la dépression et se reconstruire] et le fait qu’elles m’acceptent sur leur territoire. Cela m’a rappelé combien il est important d’établir une relation avant de parler de la démence ou d’apporter une information, quelle qu’elle soit. Développer la relation leur a permis de se sentir en sécurité pour me questionner sur ce qu’était cette “démence”. Sans cette relation, les mots ne signifient rien. » Ce récit de Steph Charlesworth a été transcrit sous forme de bande dessinée dans la campagne d’Alzheimer Australie à destination des communautés aborigènes.
Connecting Stories – The impact of dementia in Aboriginal and Torres Strait Islander communities. Dementia News, décembre 2015. https://fightdementia.org.au/research-and-publications/publications/newsletters/dementia-news/issue-01/connecting-stories (texte intégral). Flicker L et Holsworth K. Aboriginal and Torres Strait Islander People and Dementia: A Review of the Research. A Report for Alzheimer’s Australia. Paper 41, Octobre 2014.
https://fightdementia.org.au/sites/default/files/Alzheimers_Australia_Numbered_Publication_41.pdf(texte intégral).