Aducanumab : à quand une autorisation européenne ?

Innovation

Date de rédaction :
02 juillet 2021

À Toulouse, l’autorisation de l’aducanumab par le régulateur américain a été accueillie avec enthousiasme. Le Pr Bruno Vellas, gériatre, membre de l’Académie nationale de médecine et coordonnateur du gérontopôle du CHU de Toulouse ne se contente pas du mot « espoir ». Les équipes toulousaines ont coordonné la partie française et européenne des essais cliniques incluant des milliers de patients dans le monde. Même si l’autorisation de l’aducanumab devrait prendre au moins deux ans avant d’arriver en Europe, le traitement signe la fin de longues années d’attente, souligne Bruno Vellas : « il s’agit du premier médicament qui vise à réduire la progression de la maladie d’Alzheimer. Jusqu’à présent, nous n’avions que des traitements qui améliorent les symptômes et qui ne sont plus remboursés en France. L’aducanumab montre des effets au stade léger de la maladie, ce qui signifie que nous pourrons enfin proposer quelque chose aux patients jeunes chez qui on détecte tôt la maladie d’Alzheimer. Cette progression va de pair avec l’arrivée prochaine des biomarqueurs sanguins pour le diagnostic. Pendant 10 ans, la recherche a piétiné : soit on n’avait pas les biomarqueurs, soit les patients traités n’avaient pas de plaques amyloïdes, soit les doses n’étaient pas assez fortes… La connaissance avance, d’autres molécules arrivent. Dans les prochaines années, nous aurons une cascade d’essais positifs pour lutter contre la maladie d’Alzheimer. »

Fabrice Gzil, directeur adjoint de l’Espace éthique d’Ile-de-France et de l’Espace national de réflexion éthique sur les maladies neuro-évolutives et membre du comité national consultatif d’éthique (CCNE), appelle dans Le Monde à une grande prudence. Pour le philosophe, cette autorisation prématurée risque de porter atteinte à la réputation de la FDA, mais aussi à la qualité de la recherche de médicaments, et finalement aux malades eux-mêmes.

Aux Etats-Unis, la très grande majorité des analystes juge sévèrement la mise sur le marché d’aducanumab. Trois experts ont quitté le comité consultatif de la FDA en signe de protestation : la décision d’autorisation a été prise sans tenir compte de leur avis. Les critiques mettent en cause le choix du critère d’efficacité : la FDA a retenu la réduction de la plaque amyloïde comme critère de substitution plutôt qu’un bénéfice clinique observable. La Société américaine de gériatrie estime que, pour les patients, la balance des risques et des bénéfices n’est pas favorable. Les biostatisticiens critiquent le recours à des analyses post-hoc qui, méthodologiquement, reviennent à « tirer au fusil sur une grange, et à peindre ensuite une cible autour des impacts de balle ». La collaboration inhabituellement étroite, dans ce dossier, entre Biogen et la FDA, a conduit le groupe de défense des consommateurs Public Citizen à demander l’ouverture d’une enquête. Un sondage auprès de 1 400 cadres de l’industrie pharmaceutiques montre que 80 % pensent que la FDA n’a pas été assez rigoureuse dans l’examen des données cliniques et n’aurait pas dû autoriser ce médicament. Au Sénat américain, une sénatrice démocrate et un sénateur républicain ont demandé qu’un comité examine l’impact du coût d’ADUHELM sur le budget du système de protection sociale Medicare (pour les personnes âgées). L’assureur santé Point32Health, qui couvre 2 millions de personnes en Nouvelle-Angleterre, a annoncé qu’il ne rembourserait pas le médicament au prix demandé par le laboratoire.

www.ladepeche.fr/2021/06/07/alzheimer-le-premier-medicament-pouvant-faire-regresser-la-maladie-vient-detre-autorise-aux-etats-unis-9591920.php, 29 juin 2021.https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/07/01/la-maladie-d-alzheimer-est-tres-eprouvante-mais-rien-ne-justifie-de-deroger-aux-regles-de-la-recherche_6086475_3232.html, 1er juillet 2021.