Acteurs du domicile : la formation à la non-demande
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
« Intervenir au domicile d’une personne n’est pas simple et notamment lorsque celle-ci est atteinte de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée », explique Kevin Charras, docteur en psychologie environnementale et responsable du pôle Interventions psychosociales à la Fondation Médéric Alzheimer. « L’intervenant est bien souvent perçu comme un étranger, voire un intrus qui a besoin d’aide. Il se trouve généralement seul à faire face aux situations problématiques ainsi qu’à la détresse de la personne aidée comme celle de l’aidant. La réalité de terrain montre aussi que les intervenants à domicile ne disposent que de très peu de temps pour se réunir entre eux et pour se former. » Selon une enquête réalisée en 2012 par la Fondation Médéric Alzheimer, seuls 14% des services d’aide à domicile déclaraient former l’ensemble de leurs intervenants à domicile de personnes atteintes de troubles cognitifs et 77% une partie de leurs intervenants. Pour Kevin Charras, l’intervenant doit « comprendre les étapes du deuil de la personne accompagnée pour pouvoir intervenir et entrer en relation avec elle en étant le moins intrusif possible. Plusieurs particularités liées aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et de maladies apparentées sont à prendre en compte : à la fois la compréhension et leur manière de vivre les phénomènes psychologiques, sociaux et comportementaux qu’ils subissent. » Blandine Prévost, malade jeune diagnostiquée à l’âge de trente-cinq ans explique ainsi la difficulté de l’acceptation de la vulnérabilité née de la maladie d’Alzheimer : « accepter la perte de cette capacité intellectuelle… Accepter sans en avoir honte ? C’est dur, voire impossible. » Ces mots illustrent bien la résistance qu’une personne peut éprouver face à la présence d’un intervenant à domicile chez elle : « je me suis battue pendant deux années pour vous mettre hors de chez moi », dit-elle. « J’y ai mis toute la mauvaise volonté dont j’étais capable. Il m’a fallu des mois pour prendre conscience des véritables enjeux de l’aide à la maison. » Pour Kevin Charras, « c’est une étape significative de la progression et de la sévérité de la maladie, de l’inéluctable évolution vers la dépendance, la perte de liberté. Par ailleurs, certains troubles gnosiques et mnésiques liés à la maladie, comme l’anosognosie [absence de conscience des troubles] et les troubles de la mémoire, peuvent rendre le processus de deuil plus complexe, voire impossible. Il est donc nécessaire d’aborder ces notions afin de faciliter la compréhension des intervenants qui se retrouvent face à un refus de soins que peuvent exprimer certaines personnes atteintes de troubles cognitifs, et de la non-demande qui en résulte. Cela contribuera ainsi à l’entrée en relation graduelle avec la personne, dans le respect de ses angoisses liées à la maladie. »
Charras K. La formation, un levier à prendre en compte. Doc’Domicile 2015 ; 40 : 31-32. Décembre 2015-janvier 2016. Fondation Médéric Alzheimer. La Lettre de l’Observatoire des dispositifs de prise en charge et d’accompagnement de la maladie d’Alzheimer 2012 ; 25. Décembre 2012. www.fondation-mederic-alzheimer.org/Informez-vous/La-Lettre-de-l-Observatoire/Archives.