Le jeu : une construction historique et culturelle

Interventions non médicamenteuses

Date de rédaction :
18 avril 2015

Cédric Gueyraud, directeur du centre national de formation aux métiers du jeu et du jouet à Lyon (FM2J), a réalisé avec le journaliste Xavier Czaja un dossier sur l’intérêt du jeu en institution dans la revue professionnelle Doc’animation. Qu’est-ce que le jeu ? Notre pensée est influencée par les différentes représentations culturelles qui ont fait consensus au fil du temps. En latin, jocus signifie plaisanterie, badinage. Le grec utilisait le mot paida pour désigner une activité propre à l’enfance. Cette étymologie enracine le concept de jeu dans l’enfance et dans d’un mouvement libre, non réglé et d’une certaine frivolité. Pour l’anthropologue Laurence Hardy, responsable du centre de ressources Askoria de Rennes, « le jeu est universel, transhistorique et transculturel. Dans toutes les sociétés, les enfants et les adultes ont aimé jouer. C’est un moyen récréatif qui permet d’échapper au quotidien. » « La dominante du jeu, son trait distinctif, est la part de liberté et de créativité qu’il peut ménager. On comprend mieux, dès lors, pourquoi il passionne. C’est qu’il représente par excellence ce moment de l’activité libre, l’action faite pour elle-même et non pour autre chose. Il incarne le moment de l’action. Celui par lequel on accède pleinement à la manifestation de soi en faisant advenir du nouveau. Celui durant lequel on a le sentiment de devenir sujet, ne serait-ce que l’espace d’un instant, et de faire qu’il y ait quelque chose plutôt que rien. » Pour Cédric Gueyraud, pour faire exister un jeu en collectivité, il est important de bien en définir les contours et les limites. « Ces éléments du cadre, les règles qu’il contient au niveau implicite et formel doivent faire sens et être maîtrisables pour favoriser l’autonomie du joueur (auto-nomos, capacité de l’individu à appliquer lui-même les règles données). Nous pourrions alors définir le jeu en collectivité comme un espace sécurisé, d’autonomie et de liberté répondant aux besoins, compétences et désirs de l’individu vers une finalité d’épanouissement personnel. » Partant du constat de la difficulté à proposer des animations adaptées aux résidents atteints de la maladie d’Alzheimer dans les EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), le groupe Korian a modélisé le cadre ludique dans six de ses établissements, en partenariat avec le centre de recherche clinique « vieillissement, cerveau, fragilité » de Lyon (étude LUDIM). Cédric Gueyraud et Anthony Batsavanis, neuropsychologue dans cette équipe de recherche, expliquent : « le concept du cadre ludique trouve son origine dans l’utilisation du jeu en ludothèque et s’est enrichi de réflexions issues des médiations thérapeutiques et des courants d’éducation nouvelle pour être proposé dans des établissements gériatriques. L’analyse des supports de jeu repose sur des critères précis permettant d’établir une réelle correspondance avec chaque personne atteinte de la maladie d’Alzheimer. » Mais « à la différence des habitudes souvent prises lors des ateliers jeux en maison de retraite, le concept du cadre ludique sélectionne plusieurs types de jeux en même temps. Le cadre ludique cherche avant tout à diminuer l’aide apportée par les professionnels pour permettre aux résidents une participation autonome. Pour ce faire, les jeux sont répartis dans une salle selon des principes d’aménagement les regroupant par type de compétences (sensorielles, motrices, symboliques…). Mis en valeur, les objets ludiques se présentent comme une invitation à jouer pour les résidents et se substituent en partie à la directivité du personnel ». Quelle efficacité ? Les premiers résultats montrent que le cadre ludique améliore le score des troubles du comportement perçus par l’équipe soignante, la qualité de vie dans le domaine des interactions sociales, le bien-être instantané des résidents.

Gueyraud C. Qu’est-ce que le jeu ? Doc’animation 2015 ; 50 : 10-11. Mars-avril 2015. Gueyraud C et Bathsavanis A. Ludim, le jeu comme thérapie non médicamenteuse. Doc’animation 2015 ; 50 : 12-13. Mars-avril 2015. Hardy L. Jeu et déprise. Doc’animation 2015 ; 50 : 19-20. Mars-avril 2015.