Surveillance

Innovation

Date de rédaction :
21 janvier 2016

« Si certains outils domotiques sont d’une utilité incontestable, d’autres posent des questions éthiques, particulièrement ceux qui ont pour objectif de surveiller les personnes. Ces systèmes sont surtout conçus pour soulager l’entourage de sa propre angoisse de mort », écrit Pierre-Yves Malo, président de l’association Psychologie et vieillissement et psychologue au service de médecine gériatrique du CHU de Rennes. « L’utilisation de tout moyen pour se protéger de la mort devient évidence commune, sans objection possible. Mais n’est-ce pas un fantasme de toute-puissance qui risque de nous empêcher de vivre pour éviter de mourir ? », s’interroge-t-il. « Chacun a pris l’habitude de déambuler devant des caméras de surveillance dans une grande surface et “consent” à cette habitude sociale, en l’acceptant implicitement, bien qu’il n’ait pas donné son aval », explique le Pr François Blanchard, chef du service de médecine interne et gérontologie au CHU Maison-Blanche de Reims. « L’entrée d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), équipée des mêmes caméras, est dans la même logique, et le refus de cette surveillance exposerait cet EHPAD à un décalage avec la société. Plusieurs acteurs peuvent concourir au fait de vouloir faire porter des bracelets aux personnes âgées : la famille pour les protéger, un responsable d’établissement pour des questions de responsabilité… Les justifications peuvent être multiples, mais peuvent être détournées dans leur valeur (faire le choix de multiplier les bracelets plutôt que de renforcer un ratio de personnel. L’origine du débat est donc un conflit de valeurs. Lorsque le jugement d’une situation est différent selon les acteurs, la situation est bloquée. Il importe donc de savoir repositionner le débat par rapport aux spécificités des personnes âgées. » Pour le Pr Blanchard, on ne peut échapper à la gérontechnologie, mais celle-ci est aidante si : « 1/ elle respecte le consentement ou au moins l’assentiment de la personne avec un bénéfice attendu de l’action qui est supérieur aux effets potentiellement négatifs ; 2/ le paradigme hippocratique de guérir peut être remplacé par un concept fonctionnel adaptatif (la technologie vient aider même si elle ne guérit pas) ; 3/ les données recueillies sur la santé sont sécurisées, et on sait qui les gère et les exploite et dans quel but. »

Malo PY. Résistance au changement et limites éthiques des gérontechnologies. Compte rendu des 47èmes journées de gérontologie de la Société de l’Ouest et du Centre (SGOC). Rev Gériatrie 2015 ; 40 : 604-606. 10 décembre 2015. Blanchard F. Gérontechnologie et réflexions éthiques. Compte rendu des 47èmes journées de gérontologie de la Société de l’Ouest et du Centre (SGOC). Rev Gériatrie 2015 ; 40 : 604-606. 10 décembre 2015.