L’aidant de la personne atteinte de presbyacousie
Interventions non médicamenteuses
La prise en charge de la personne atteinte de presbyacousie ne fait actuellement pas partie des programmes de formation dans les écoles d’orthophonie, regrette Séverine Leusie, orthophoniste, docteur en neurosciences et secrétaire du Groupe de recherche Alzheimer Presbyacousie Santé (GRAPSanté). Elle se souvient : « Une rencontre avec une collègue orthophoniste et son mari très sourd a changé complètement notre manière de faire et les bons résultats ont enfin remplacé nos demi-échecs. Cette orthophoniste mariée à un sourd sévère de soixante-dix ans avait vu l’état de son mari se dégrader profondément. Dépressif, acariâtre, replié sur lui-même, il présentait des désordres psychiques qui avaient fait penser à son médecin traitant à un début de maladie d’Alzheimer. Il ne portait plus ses appareils depuis plus de cinq ans et devenait très difficile à accompagner. De fait, il était resté assis devant nous, muet et indifférent durant presque une heure. » Elle a revu le couple deux mois plus tard : tout semblait être rentré dans l’ordre et nous avons discuté à trois durant toute la rencontre. Il avait, comme je l’avais conseillé, repris ses appareils maintenant bien réglés et tous les jours, plusieurs fois dans la journée, ma collègue le faisait travailler, répéter, imiter, simuler, inverser les rôles comme j’aime le faire, le presbyacousique devenant le rééducateur et l’orthophoniste le sourd. Je n’ai pas tout de suite compris comment en quelques semaines seulement, ma collègue avait obtenu de bien meilleurs résultats que moi en plusieurs mois. Il n’y avait en fait rien à comprendre : le presbyacousique a besoin d’un aidant. » Pour Séverine Leusie, « il faut un aidant par patient. Tous les jours ou presque, l’aidant doit vérifier que les appareils sont correctement nettoyés, avec des piles qui fonctionnent, que le patient les a bien installés dans les oreilles et plusieurs fois par jour, dans toutes les circonstances de la vie, de dos, dans la cuisine, dans la rue, dans le jardin, on doit s’entendre et se comprendre d’un bout de la maison à l’autre. Lorsque le conjoint “fait l’affaire”, c’est l’aidant idéal, mais s’il n’y a pas ou plus de conjoint, il faut faire appel à la famille ou à des amis ou à des voisins, ou à une association », organiser l’équipe dont le presbyacousique a besoin (circuit du GRAPsanté). Il faut bien sûr former l’aidant et s’assurer qu’il pourra faire travailler son presbyacousique tous les jours ou presque pendant six mois et ensuite autant que de besoin jusqu’à la fin de sa vie. Si cette approche, au début, peut sembler fastidieuse, on se rend très vite compte qu’il s’agit plutôt d’une habitude à prendre, comme veiller à bien prendre ses médicaments tous les jours ou à s’hydrater régulièrement. Former l’aidant à aider le patient est le rôle de l’orthophoniste et ce dont a besoin l’orthophoniste pour savoir comment l’aider est justement apporté par le couple lui-même et plus spécifiquement par l’aidant ! »
La Lettre du GRAPSanté 2016 ; 80. Août 2016. www.grapsante.org/lettres/GRAP_lettre_80_Aout_2016.pdf.