Prothèses auditives : 58% des Français y renoncent pour des raisons financières

Prévention

Date de rédaction :
22 octobre 2015

 « De tels résultats ne sont-ils pas un peu anxiogènes pour les seniors qui commencent à entendre un peu moins bien ? » s’interroge Pierre Bienvault, de La Croix. Non, répond le Pr Amieva : « dans le vieillissement, il y a beaucoup de facteurs, notamment génétiques, contre lesquels on ne peut rien faire. Là, il y a des solutions. L’étude montre que les personnes, qui sont appareillées, ont un niveau cognitif identique à celui des personnes sans problème d’audition », souligne le professeur Amieva, qui reconnaît toutefois que l’aspect financier peut constituer un obstacle pour s’équiper d’une prothèse auditive. Le prix moyen d’une prothèse auditive est d’environ 1 550 euros pour une oreille. L’assurance maladie rembourse 120 euros et les mutuelles environ 350 euros, ce qui laisse un reste à charge d’environ 1 080 euros par prothèse. Si l’étude de l’INSERM n’a pas été financée par les professionnels de l’audition, « cette étude arrive à point nommé pour redonner le sourire aux vendeurs d’appareils auditifs, régulièrement éreintés par les polémiques sur leurs tarifs », écrit Pierre Bienvault, « et c’est tout sauf un hasard si c’est le Syndicat national des audioprothésistes qui s’est chargé de médiatiser ce travail scientifique en organisant jeudi 29 octobre à Paris une conférence de presse. » Fin septembre 2015, l’organisation de consommateurs UFC-Que Choisir, qui a réalisé une enquête auprès de deux mille sept cents de ses abonnés, dénonçait la « rente de situation » des audioprothésistes : « pas moins de 2.1 millions de malentendants français ne s’équipent pas en raison d’un coût trop élevé des prothèses auditives, soit un taux de renoncement aux soins de 58%. » Pour Que Choisir, ces prix excessifs s’expliquent par les pratiques monopolistiques des vendeurs : « pour un prix de vente moyen de 1 550 €, les aides auditives sont achetées 327 € par les audioprothésistes. Ceux-ci revendent ainsi les appareils 4.5 fois leur prix d’achat, réalisant une marge brute moyenne de 78% » ; souligne l’organisation de consommateurs. Une fois les divers frais et salaires déduits, la marge nette « demeure très confortable », entre 15% et 18%, contre 10% « dans le déjà rentable secteur de l’optique ». En 2013, la Cour des comptes relevait que la marge brute, pour une paire de prothèses haut de gamme, pouvait atteindre 2 500 €. « La vente d’un équipement par jour suffirait au distributeur pour être rentable », soulignait la Cour. Que Choisir affirmait également que ces surcoûts résulteraient de « la pénurie savamment entretenue » d’audioprothésistes en France : « En raison de leur faible nombre (3 091, pour des besoins estimés à 7 150 professionnels), ils sont en position d’obtenir des salaires deux à trois fois plus élevés que les professions de santé comparables (infirmières ou kinésithérapeutes) », estime l’association. Pour un appareil à 1 500 €, plus du tiers est versé en salaire à l’audioprothésiste. Le Syndicat national des audioprothésistes conteste ces données qu’il qualifie d’ « incomplètes et biaisées » et regrette que les tarifs de remboursement de l’assurance maladie « n’aient pas bougé depuis 1986. » La perte auditive touche 70% à 90% des personnes de soixante-cinq ans ou plus. Les deux tiers de ces personnes ne seraient pas appareillées, rappelle Pierre Bienvault. « Les prix trop élevés privent une partie de la population de ces appareils pourtant essentiels aux malentendants. Le ministère de la Santé fera-t-il la sourde oreille ? » titre la rédaction de La Santé publique.