Audition et cognition : ne pas appareiller, une forme de maltraitance ?

Prévention

Date de rédaction :
26 avril 2016

L’audioprothésiste David Aubel, du Groupe de recherche Alzheimer presbyacousie (GRAPsanté), écrit : « nous savons qu’il existe une corrélation entre la perte auditive et le déclin cognitif (Lin FR et al ; Amieva J et al). Si nous permettions aux presbyacousiques [personnes atteintes d’une perte neuro-sensorielle progressive de l’audition liée à l’âge] d’entendre mieux, nous pourrions peut-être éviter une partie de ces démences et des cas de dépression… Mais nous ne voyons rien venir en ce qui concerne la prise en charge de la presbyacousie ». Selon lui, le modèle économique actuel, qui consiste à vendre un petit nombre de prothèses auditives à un prix très élevé est inadapté aux enjeux : il appelle à une baisse de prix pour que ces dispositifs deviennent accessibles à tous, ce qui permettrait d’augmenter massivement le nombre de personnes équipées. « Nous pouvons avec une petite équipe aider des milliers de presbyacousiques, s’ils veulent bien reconnaitre qu’ils sont sourds et cesser d’accuser l’entourage de mal parler, s’ils veulent bien se prendre en charge et venir réapprendre à entendre (audioprothèse) et à comprendre (orthophoniste et aidant). Que faudrait-il donc faire pour persuader nos contemporains que l’audition est un sens majeur dont la quasi-totalité des Français ignore tout. On entend, un point c’est tout. Non, il faut apprendre à se servir de son audition comme on l’a fait pour pratiquement tous les autres sens. On a appris à marcher, à manger, à lire à écrire, à parler (on en a profité pour apprendre un peu à entendre mais c’est insuffisant). Il faudrait enseigner à l’école à nous servir de nos oreilles comme nous le faisons pour les yeux. Parce que finir dans un EHPAD seul, sans communication possible, sans échange, sans télévision, sans radio, sans être capable de jouer aux cartes, sans entendre venir, sans profiter des visites de sa famille, dans une sorte de prison de verre que personne ne voit, dont personne ne peut ouvrir la porte. Et avec des soignants qui ont baissé les bras, des médecins dont ce n’est pas l’affaire, une famille qui ne comprend pas, un monde dont on est exclu : ce n’est pas vivable et c’est vraiment assimilable à de la maltraitance. »

Aubel D. La presbyacousie en France : tout reste à faire. La Lettre du GRAPsanté, avril 2016. Aubel J et al. Une étude pour cesser d’être aveugle face à la surdité – Enquête en EHPAD. Rev Gériatr 2015 ; 40(6) : 343-346. Juin 2015. Lin FR et al. Hearing loss and incident dementia. Arch Neurol 2011 ; 68: 214–220. Février 2011. http://archneur.jamanetwork.com/article.aspx?articleid=802291(texte intégral). Amieva H et al. Self-Reported Hearing Loss, Hearing Aids, and Cognitive Decline in Elderly Adults: A 25-Year Study. J Am Geriatr Soc 2015 ; 63(10): 2099-2104. Octobre 2015. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26480972.