Que faire sans les médicaments ? Pratiquer des activités nouvelles
Société inclusive
Le déremboursement des médicaments symptomatiques de la maladie d’Alzheimer incite les médias grand public à s’intéresser davantage aux interventions non médicamenteuses et à la prévention. « Nous pouvons tous entretenir notre “réserve cognitive” ou notre “capital cerveau” grâce à des activités qui stimulent les connexions et compensent les pertes neuronales. L’effort intellectuel permet en effet de produire de nouvelles interactions », explique Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille et directeur de la Fondation Plan Alzheimer, dans un entretien à Elodie Lepage et Bérénice Rocfort-Giovanni, de L’Obs. Ainsi, la lecture, les jeux de société sont autant de loisirs actifs à préférer à des passe-temps passifs tels que la télévision. Le Pr Amouyel insiste aussi sur la nécessité de « sortir de sa zone de confort en pratiquant des activités nouvelles qui demandent réflexion, concentration et mémorisation : apprentissage d’une langue, pratique d’un nouveau sport… » L’activité physique, d’au moins trente minutes par jour, est recommandée, à l’exception des sports de contact susceptibles d’entraîner des chocs au cerveau, et d’adopter un style de vie réduisant le risque cardiovasculaire. Il importe aussi d’avoir une vie sociale la plus riche possible, aussi bien préventivement que quand la maladie est déclarée. En Grande-Bretagne, en Belgique, en Suisse, le mouvement des villes accueillantes à la démence (dementia-friendly communities) vise à intégrer les personnes malades à la vie de la société. Les professions en contact avec du public sont sensibilisées de manière à s’adresser aux personnes malades de la façon la plus adapté qui soit, explique Fabrice Gzil, coordonnateur du livre-plaidoyer de la Fondation Médéric Alzheimer. C’est le cas du personnel de l’aéroport Heathrow de Londres, des policiers à Genève, des commerçants à Bruxelles. « Avec ce genre d’initiatives, ces pays sont sortis du tout ou rien, du modèle “soit on est bien portant et on reste chez soi, soit on est très malade et on va en EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Des personnes malades modérément atteintes peuvent espérer rester chez elles plus longtemps. » Et pourquoi ne pas envisager un changement de paradigme avec les « Villages Alzheimer ? » où les malades évoluent librement en sécurité ? s’interrogent les journalistes, qui concluent : « une chose est sûre : nous ne pouvons plus reléguer ces malades aux confins de la société. Il faut oser regarder Alzheimer en face ».
L’Obs, 13-19 septembre 2018.