Colocation
Droit des personnes malades
Initiatives
A la Maison du Thil, Thérèse, âgée de 88 ans et atteinte d’une démence associée à la maladie de Parkinson, vit en colocation avec six autres résidents atteints d’une maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée, dans une grande maison avec jardin à deux pas du centre-ville de Beauvais (Oise). Cet habitat alternatif à la maison de retraite a ouvert ses portes en janvier 2016. Le concept, développé par les petits frères des Pauvres, est très répandu en Allemagne mais unique en France. Il existe bien, dans le Morbihan, 49 logements partagés pour personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer mais leur gestion est déléguée à une association de services à la personne. A la Maison du Thil, en plus des auxiliaires de vie et des bénévoles, les familles jouent un rôle essentiel. En arrivant, elles signent un contrat de responsabilité partagée et prennent part à toutes les décisions qui concernent le quotidien de leurs parents et des autres résidents. Un conseil de colocation se tient tous les 2 mois. Les personnes malades peuvent participer aux sorties ou activités (cinéma, concerts, fêtes locales…), passer Noël sur place ou préparer les repas avec leurs proches tous les vendredis.
« On a la clé, on peut venir quand on veut », explique Marie-Christine, la fille de Thérèse, qui ne se sent plus coupable quand elle repart. « Maman est heureuse ici, elle n’est pas prisonnière. » Dans cette grande maison blanche, propriété des petits frères des Pauvres, Thérèse occupe l’unique chambre du rez-de-chaussée en raison de ses difficultés à marcher. Les autres habitent les chambres du 1er étage. Les résidents ont pu apporter leurs meubles et leurs animaux. Sept auxiliaires de vie sociale se relaient (deux pendant la journée et une la nuit) préparent les plats sur place, de préférence avec les produits du potager que résidents et bénévoles entretiennent. Tous ont pris du poids depuis leur arrivée. Les auxiliaires de vie sociale sont vigilantes, tout en laissant de la liberté aux résidents : « si on ne prend pas de risque, on ne fait rien. » Pour François-Xavier Turbet-Delof, directeur adjoint au développement qualité des petits frères des Pauvres, il faut « oser le risque. » Cette formule peut faire peur aux collectivités – qui ne participent pas encore à la Maison du Thil, entièrement financée par les familles et les petits frères des Pauvres, ainsi qu’aux candidats. « Certains ont décliné car le lieu n’était pas assez sécurisant à leurs yeux. Des familles voulaient faire installer une barrière dans l’escalier, d’autres réclamaient une infirmière 24 heures sur 24 », explique-t-il. Cette volonté de refuser la sécurisation à tout crin connaît des limites. Ainsi Bernard, le doyen des résidents, âgé de 94 ans, ne quitte plus sa chambre du 1er étage : il ne peut plus descendre les marches. Mais ici, il n’y a pas d’exclusion : « les personnes doivent pouvoir rester dans leur lieu de vie jusqu’à la mort. » Bernard, qui a déjà connu un EHPAD, et sa famille, n’envisagent pas d’autre solution.
Le Point, 18 octobre 2018.