Être aidant en milieu rural

L’aide des proches présente des spécificités selon l’environnement dans lequel vit la personne âgée en perte d’autonomie : environnement familial, architectural, urbain ou rural, rappelle Marie-Eve Joël, professeur émérite à l’Université Paris-Dauphine, dans la revue Pour, éditée par le groupe Ruralités, éducation et politiques (GREP). Peu de recherches économiques ont été développées sur les caractères particuliers de l’aide des proches en milieu rural, où le vieillissement est plus accentué qu’en milieu urbain. Les retraités sont, en proportion, plus nombreux en milieu rural isolé qu’autour des grandes villes : de 15,5 % en 2011 en Ile-de-France à 33,5 % pour le département de la Creuse. Il y a à cela plusieurs causes : l’augmentation de l’espérance de vie du fait des progrès de la médecine, le retour en territoire rural d’une population urbaine en fin de carrière professionnelle et le départ de populations jeunes qui après leurs études pensent trouver un meilleur emploi en milieu urbain. Contrairement aux idées reçues, les retraités en situation de pauvreté ne sont pas plus nombreux en milieu rural. L’offre sanitaire en milieu rural peut être défaillante pour les personnes âgées comme pour le reste de la population à la fois en raison du manque de personnel et de la distance aux grands centres de soins. Les dispositifs de prise en charge médico-sociale sont parfois limités : manque de médecins, de gériatres, de places en service de soins infirmiers à domicile (SSIAD), d’aides-soignantes ou d’infirmiers. Les services de gériatrie aiguë ne sont pas toujours accessibles facilement. La distance complique l’organisation des prises en charge à domicile. L’aide aux personnes en perte d’autonomie est parfois plus difficile à mettre en place parce que les personnels sanitaires et sociaux organisent leur travail dans une zone bien délimitée. Se pose également la question d’organiser le suivi à distance des parents en perte d’autonomie restés à leur domicile en territoire rural : comment veiller à ce que les services sanitaires et sociaux passent régulièrement au domicile et gérer de loin les problèmes sanitaires, économiques, administratifs qui peuvent se poser. Pour les aidants, cela s’apparente à la gestion d’une véritable PME. Il en va de même en cas d’entrée en maison de retraite où l’aidant doit assurer des contacts réguliers avec les personnels sanitaires et sociaux de l’établissement. La question de la distance et de l’isolement géographique ne doit pas être confondue avec l’isolement relationnel.

Joël ME. Les aidants informels, approches économiques. Pour 2018 ; 233 : 53-60. Septembre 2018. www.cairn.info/revue-pour-2018-1-p-53.htm.