« J’avais la maladie d’Alzheimer, mais je n’étais pas prête à prendre ma retraite »

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Les personnes malades

Date de rédaction :
01 octobre 2020

« Vous en avez pour combien de temps ? » m’a demandé mon employeur quand je l’ai informé que j’étais atteinte d’une forme précoce de la maladie d’Alzheimer, écrit Wendy Mitchell, qui avait alors 58 ans et était employée administrative au Service national de santé britannique depuis 20 ans. J’avais de nombreuses suggestions pour expliquer comment je pourrais continuer mon travail que j’aimais beaucoup. Par panique ou par ignorance, mon supérieur hiérarchique n’a rien voulu savoir et a écrit à l’encre dans son agenda une date pour ma mise à la retraite anticipée : je devais partir en raison de ma “mauvaise santé”. Depuis 2 ans, j’avais des troubles de la mémoire à court terme. Il m’était parfois difficile de trouver le plus simple des mots. Je n’aurais jamais imaginé que cela sonnerait le glas de mon emploi. Les gens vivent et travaillent plus longtemps aujourd’hui et cela signifie que l’incidence des cas de maladie d’Alzheimer précoce au travail ira en s’accroissant. Au Royaume-Uni, cela concerne plus de 40 000 personnes de moins de 65 ans, et 200 000 aux Etats-Unis. Les employeurs ne peuvent pas les rayer d’un trait de plume. Ils doivent savoir que leurs capacités ne disparaissent pas du jour au lendemain : la maladie est progressive et évolue souvent lentement. J’étais toujours la même personne le jour où j’ai appris mon diagnostic. J’avais juste besoin d’aborder mon travail – et ma vie – d’une autre façon.  Le temps qui m’a été accordé pour rester à mon poste, je me suis adaptée. J’ai découvert que mes collègues étaient beaucoup plus compréhensifs que mes supérieurs. Ils ont pris le temps de réfléchir et de me demander que soutien ils pouvaient m’apporter pour que je continue. Nous avons été créatifs : ils ont créé un système de notes avec des Post-it de couleur, chaque couleur étant associée à un membre différent de l’équipe, pour m’aider à me rappeler à qui je devais m’adresser sur tel ou tel projet. Ils ont appris aussi à m’envoyer des questions par e-mail au lieu de passer la tête dans mon bureau en espérant une réponse immédiate. Quand je travaillais depuis mon domicile, l’équipe m’appelait à des heures convenues, pour que je sache quand je serais interrompue. Je mettais une alarme 5 minutes avant la réunion téléphonique, pour me dire que je devais finir ma tâche en cours et me préparer à l’appel. Lorsque je n’ai plus été capable de reconnaître les voix au téléphone, le courrier électronique a continué à nous servir. Ou encore, ils m’attendaient au bureau, face-à-face et un par un : j’y arrivais mieux ainsi. Aujourd’hui, je ne travaille plus pour le service national de santé, mais j’ai toujours du temps et de l’énergie à revendre. Je travaille maintenant avec plusieurs associations et organismes d’accompagnement, et je parle régulièrement de mon expérience avec la maladie d’Alzheimer devant des auditoires de médecins, d’infirmières et d’aidants. J’essaie de communiquer tout ce nous, personnes malades, pouvons toujours dire à la société. Cela me fait du bien que l’on accorde de la valeur à mes opinions et que l’on entende mon histoire. Cela m’a remonté le moral, et je pense que mon agenda de ministre tient la maladie à distance. »

www.nytimes.com/2018/09/07/opinion/early-onset-alzheimers-work.html, 7 septembre 2018.